08 avril 2005

Rédaction représentative? 

Logiquement, les notes sur la constitution européenne sont réservées à Publius. Mais je fais une exception ici, dans la mesure où le coeur de mon argument n'est pas lié au référendum du 29 mai.

L'objet de ma perplexité est cette déclaration de la journaliste du Monde Raphaëlle Bacqué, à la fin d'un chat sur les aspects politiques du débat référendaire (mes italiques) :
Quijote : Les titres et les articles du "Monde" semblent indiquer une nette inclination vers le oui au référendum. Est-ce là une position commune qui, sans être totalement assumée, existe ou bien ou le quotidien se veut-il d'une exigeante neutralité ?

Raphaëlle Bacqué : Premièrement, les partisans du oui nous reprochent au contraire de faire la part belle aux tenants du non. Le Monde essaie de respecter l'équilibre, ce qui est difficile, car en tout cas, dans tout le début de la campagne, ce sont les promoteurs du non qui s'exprimaient et agissaient le plus, et nous en rendions forcément compte. Pour autant, je peux vous dire qu'au sein du service France, que je dirige, il y a, me semble-t-il, autant de partisans du oui, du non et d'indécis que parmi les électeurs. Mais Le Monde, juste avant le référendum, affichera probablement sa position. Et même si nous n'en avons pas encore discuté, j'imagine que nous dirons que nous sommes pour le oui, car le journal s'est toujours positionné en faveur de la construction européenne.
Bien entendu, ce genre d'affirmation est, par nature, invérifiable (et heureusement). Mais suis-je le seul à trouver cela, disons, hautement improbable?

D'abord notons qu'on ne parle pas, ici, du service Culture et macramé du Monde. Mais du très sérieux service France ("chargé du débat politique au sens large", nous apprend Le Style du Monde). C'est-à-dire de gens qui sont généralement passés au laminoir Sciences Po + ESJ/CFJ, et qui bouffent de la politique du matin au soir. Qui fréquentent quotidiennement, par obligation professionnelle, les allées du pouvoir. Qu'on imagine aussi peu suscepts de grands élans de sympathie pour la droite souverainiste et plutôt davantages attirés par le modèle social-démocrate molasson que par la révolution altermondialiste. Et donc, mais ce n'est évidemment qu'une intuition fort subjective, très largement en faveur du "oui".

Est-ce un problème? Si l'on pense que les journalistes cherchent constamment à trahir la vérité pour tenter d'imposer leur idées politiques à leurs lecteurs/auditeurs, oui. Sinon, non. Je pense que, dans l'immense majorité des cas, non. Et je trouve donc assez dangereuse toute déclaration qui laisserait croire qu'il faut une rédaction exactement représentative de l'état de l'opinion française pour assurer une information de qualité.