23 juillet 2008

I fought the constitutional law (and the law won) 

Jules de Diner's Room répond à ma défense de la stratégie du Parti socialiste concernant la révision constitutionnelle (défense qui, étrangement, me vaut d'être traité de propagandiste sarkozyste sur Rue89) :
C'est un raisonnement façon Plan B : on fera mieux après.

Si ce n'est que mieux armée peut-être pour discuter les propositions de l'exécutif, l'opposition ne disposait pas de l'initiative de la réforme qui demeurait au Président. Et il n'est nullement acquis que le Président Sarkozy aurait poursuivi la réforme des institutions après un échec.

C'eût été donné une victoire trop aisée à l'opposition.
Contre toute attente, je maintiens ma position.

D'abord, l'analogie avec le traité constitutionnel n'est pas éclairante; en 2005, l'évolution des forces politiques en Europe faisait que l'espoir d'une renégociation du traité dans le sens voulu par les nonistes de gauche était chimérique; en 2008, comme je l'écrivais dans la note initiale, le temps joue pour la gauche au niveau du rapport de force parlementaire. Et, quoi qu'on en dise, il est quand même plus simple de se mettre d'accord à 3 (le Président, sa majorité et le principal parti de l'opposition) qu'à 27.

Ensuite, il aurait été stratégiquement incohérent pour le Parti socialiste de se rallier au texte final. On a tendance aujourd'hui à dépeindre un Parti socialiste arc-bouté sur son anti-sarkozysme et ontologiquement rétif au compromis. C'est déformer une réalité beaucoup plus complexe, qui oublie opportunément la volonté d'ouverture exprimée par une partie de l'opposition pendant l'examen du texte au Parlement.

Fin mai dernier, dans une interview donnée à Libération après le vote en première lecture, Jean-Marc Ayrault demandait ainsi des avancées sur trois points : le mode d'élection des sénateurs, la création d'une commission indépendante chargée du rédécoupage des circonscriptions électorales et le décompte du temps de parole du Président de la République par le CSA. Et d'ajouter :
Nous n'attendons pas du gouvernement qu'il reprenne à son compte tout ce que nous voulons. Mais il doit bouger sur ces points.
Le sectarisme du chef de la majorité PS à l'Assemblée fait effectivement frémir.

Quelques jours plus tôt, 17 députés PS étaient aller encore plus loin, en signant une tribune publiée par Le Monde et par laquelle ils indiquaient leur intention de voter la révision à Versailles si le texte final leur semblait globalement satisfaisant. Sans poser aucune condition impérative.

Autant dire que rallier ces députés-là n'aurait pas dû être très difficile pour Sarkozy, si seulement il l'avait voulu. Il lui aurait sans doute suffi de reprendre, sur le redécoupage, le mode d'élection du Sénat ou le non-cumul des ministres, les propositions du comité Balladur, qui n'étaient pas, ce me semble, l'expression du gauchisme le plus intransigeant. La majorité parlementaire et son chef ont décidé de ne rien lâcher. Cette stratégie a finalement fonctionné. Tant mieux pour eux. Mais il est un peu curieux de voir la partie qui a proposé un compromis et s'est faite envoyé paître être aujourd'hui accusée de sectarisme.

Enfin, et surtout, il y a de bonnes raisons de croire que, en cette matière constitutionnelle, l'histoire aurait repassé les plats. D'une part, parce que Sarkozy tenait visiblement énormément à cette réforme, et en particulier, pour des raisons qui m'échappent, à la possibilité de venir s'exprimer devant le Parlement. Je doute qu'il y aurait renoncé définitivement si le texte avait été repoussé à Versailles.

D'autant plus, et d'autre part, parce qu'une autre révision constitutionnelle est dans les tuyaux : le Président a chargé en janvier 2008 une commission présidée par Simone Veil de réfléchir à des modifications du préambule de la Constitution. Un nouveau projet de loi constitutionnel sera donc déposé à brève échéance. Si la révision avait échoué à Versailles, il est très probable que les éléments "consensuels" du projet de loi adopté lundi aurait été ajouté au texte issu de la commission Veil et que les amendements auraient réouvert le débat sur l'ensemble du texte constitutionnel. L'idée de départ était d'ailleurs d'examiner ensemble, en un projet de loi global, les propositions Balladur et Veil.

Au final, je continue donc à estimer que le PS a eu raison, sur le fond comme sur la forme, de s'opposer à ce texte. Et à penser que les éditorialistes qui fustigent aujourd'hui son intransigeance n'ont pas dû beaucoup suivre les débats parlementaires qui ont précédé l'adoption de cette révision constitutionnelle.