05 avril 2004

La "comptabilité créative" de M. Raffarin 

Ainsi donc, si l'on en croit le Premier Ministre (et en pleine Assemblée nationale, s'il vous plaît), l'une des réussites majeures de son gouvernement est d'avoir fait passer la France de l'âge de pierre d'Internet au premier rang européen pour le nombre d'internautes :

La France sait se moderniser. Elle était encore en retard il y a deux ans en matière de nouvelles technologies. Elle est aujourd’hui en tête des pays européens avec 20 millions d’internautes et 3 millions d’abonnés au haut débit.

Passons sur le fait qu'on voit mal en quoi le gouvernement serait pour quoi que ce soit dans cette évolution.

Passons aussi sur la mauvaise foi qui consiste à comparer valeurs absolues et relatives : aux dernières nouvelles, les pays du nord de l'Europe sont encore, et de loin, les champions de l'accès Internet, devant les Etats-Unis.

Mais constatons que l'affirmation de Raffarin reste risible. D'abord parce qu'elle est basée sur les chiffres notoirement gonflés de Médiamétrie, qui définit un internaute comme toute personne "âgé de 11 ans et + (...) s’étant connectés à Internet au cours des 30 derniers jours quelque soit leur lieu de connexion : domicile, travail, autres lieux : lieux d’éducation, lieux publics ou privés tels les cybercafés, les bibliothèques, chez des amis."

Ensuite, et surtout, parce qu'on aurait beaucoup de mal à trouver la confirmation du leadership français dans les comparatifs européens disponibles. Certes, la plupart des études disponibles comprennent une bonne part de gonflette méthodologique. Mais la comparaison du comparable est imparable pour Raffarin.

Les dernières estimations à la souris mouillée de Nielsen Net-Ratings font ainsi état de

22,4 millions d'internautes pour la France
35,1 millions
d'internautes pour le Royaume Uni
45,3 millions d'internautes pour l'Allemagne

Je ne doute pas que la blogosphère va relever rapidement ce mensonge éhonté (le bilan de Raffarin I et II est-il donc aussi mauvais?). La vraie question est de savoir si la presse va aussi s'en saisir. Comme on dit aux Etats-Unis : "don't hold your breath".