07 avril 2004

Pendant ce temps-là, au Soudan 

Il serait faux de dire que la presse française est restée complètement muette sur le nettoyage ethnique en cours au Soudan.

Mais Le Monde est le seul à en tirer les conséquences, en soulignant dans son éditorial de mercredi l'hypocrisie de nos repentances actuelles sur le Rwanda.

Ce qui se passe au Soudan depuis de trop longues années incite à penser que toutes les leçons n'ont pas été tirées de la tragédie rwandaise.

Dans cet autre pays d'Afrique, le gouvernement central dominé par des Arabes musulmans a martyrisé pendant des années les populations africaines, animistes et chrétiennes, du Sud. Aujourd'hui, il s'en prend à celles de l'ouest du pays, dans la région du Darfour, où les forces soudanaises bombardent, pillent, violent, déportent et réduisent en esclavage les habitants de villages entiers. Certaines ONG avancent le chiffre de mille tués par semaine. C'est un crime contre l'humanité qui est commis au Darfour, dans l'indifférence réservée à une lointaine contrée. Comme au Rwanda, en un terrible printemps 1994.


Mise à jour (08/04/2004) : Il semble que la "communauté internationale" s'est finalement décidée à agir (voir le New York Times et le Figaro du jour). Sans surprise, Le Figaro insiste sur l'action de la France, qui appuie la médiation du président tchadien, et le New York Times souligne le rôle de Bush, qui presse "le gouvernement soudainais [de] faire cesser immédiatement les atrocités commises par les milices locales contre la population et [d'] assurer le libre accès des agences d'aide humanitaire". Peut-être plus significatif, Kofi Annan a évoqué hier à Genève "une série de mesures pouvant inclure une action militaire" pour permettre l'arrivée de l'aide humanitaire au Darfour.

Ces gestes sont évidemment liés à la commémoration du génocide rwandais, à la fois pour des raisons matérielles (Muselier a fait escale au Tchad en allant au Rwanda) et symboliques (Kofi Annan a utilisé son discours de commémoration à Genève pour parler du Soudan). Il ne reste plus à espérer que la pression diplomatique se poursuivra et s'amplifiera au-delà de ces circonstances particulières : les appels pressants aux autorités soudanaises ne sont que la première étape d'un plan d'action qui doit aller beaucoup plus loin pour être crédible et efficace, comme l'écrivait mardi Samantha Power dans le New York Times.

Il faut aussi croire que les Français et les Américains arriveront à coordonner un minimum leurs actions dans la zone. La lecture entre les lignes de l'article du Figaro (qui relaye évidemment la position du Quai) permet d'en douter.