01 avril 2004
L'adrénaline des résultats électoraux n'aura pas duré longtemps.
Trois jours à peine après le coup de tonnerre de dimanche, on en revient aux mêmes arguments repétés en boucle : la droite insiste qu'elle a perdu parce qu'elle n'est pas assez à droite (Le Figaro, en choeur, lundi), la gauche proteste qu'il ne lui sert à rien de gagner parce qu'elle n'est pas assez à gauche (Généreux, dans Libé, mercredi).
Autant alors se concentrer sur les enjeux secondaires dont personne (ou presque) ne parle.
D'abord, l'entrée annoncée de Giscard au Conseil Constitutionnel. Certes, cela ne change quasiment rien aux rapports de force politique au sein du Conseil. Même dans le cas où Giscard rejoindrait l'opposition anti-Mazeaud (ce qui serait sadique, mais pas improbable), un partage des voix 5-5 serait tranché par la voix prépondérante du président, dont les quartiers de chiraquisme ne sont plus à démontrer. Il reste que tout cela créé un amusant précédent constitutionnel, qui pourrait annoncer, un jour, une réforme de l'obsolète article 56 de la Constitution (imagine-t-on Giscard et Chirac se cotoyant, après 2007, rue Montpensier?).
Une autre conséquence indirecte des régionales et des cantonales est de modifier la composition du collège électoral qui renouvelera, en septembre 2004, un tiers du Sénat. Pas la peine que la gauche s'emballe trop vite, cependant : les conseillers municipaux constituent 95% des grands électeurs, ce qui donne un avantage que d'aucuns jugent démésuré à la droite. Mais le virage à gauche des départements et des régions, pour spectaculaire et donc trompeur qu'il soit, confirme une tendance de long terme au relâchement de la mainmise de la droite sur les mandats locaux. Qui sait si, dans deux ou trois générations, les élections sénatoriales ne seront pas, elles aussi, véritablement compétitives?
Le dernier charme des lendemains d'élections est (souvent) de nous en offrir d'autres, sous la forme d'élections partielles, destinées à recaser les battus ou les congédiés. C'est aujourd'hui le cas des 5 députés de 2002 devenus ministres et qui n'ont pas survécu à la transition de Raffarin 2 à Raffarin 3 : Bachelot, Mattei, Wiltzer, Boisseau, Plagnol.
A priori, Plagnol et Mattei, respectivement dans le Val de Marne et les Bouches du Rhône, devraient pouvoir être réélus sans trop de problèmes.
Boisseau, en Ile et Vilaine est en ballotage favorable, mais les résultats de dimanche en Bretagne ne doivent pas lui remonter le moral. Bachelot (Maine et Loire) peut aussi se faire du souci, surtout qu'elle est passée en deux ans du statut d'étoile montante de la chiraquie (porte-parole pendant la campagne de 2002) à celui de pestiférée du gouvernement. En bien ou en mal, elle va beaucoup nous manquer en tout cas.
Mais le plus malheureux doit sans doute être le pauvre Pierre-André Wiltzer, technocrate distingué, député de l'Essonne depuis 1986, et qui pourrait perdre son siège de Longjumeau après moins de deux ans passés dans l'ombre du sous-ministère à la coopération et à la francophonie. Aurait-il seulement démérité dans sa tâche? Même pas sûr. Il semble juste qu'il fallait un endroit où caser Xavier Darcos. Ce dernier n'a pourtant brillé ni par sa gestion ministérielle (les conflits avec les enseignants, c'est aussi lui), ni pas par ses prouesses électorales (un joli gadin, certes contre le sortant PS, en Aquitaine). Mais c'est un proche de Juppé, ce qui change pas mal de choses de nos jours.
Mis en ligne par Emmanuel à 02:22 | Lien permanent |