19 avril 2004

Zapatero : la fin du sans-faute 

La décision n'est pas surprenante, la précipation l'est davantage :
Le nouveau président du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, a annoncé dimanche avoir ordonné le rapatriement "le plus tôt possible" des 1.300 soldats espagnols déployés en Irak.

Dans une allocution télévisée, le chef du gouvernement socialiste a indiqué avoir donné au ministre de la Défense, José Bono, "l'ordre de faire le nécessaire pour que les soldats espagnols reviennent dans les délais les plus courts et dans les meilleures conditions de sécurité possibles."
Les débuts du gouvernement Zapatero m'avaient impressionné : déclarations très fermes sur le terrorisme, choix d'un gouvernement véritablement "resserré, rajeuni et feminisé" et options économiques intelligentes. J'avoue être surpris et déçu par la décision de retirer aussi précipitamment les troupes espagnoles de l'Irak.

Non pas que l'enjeu soit le signal donné aux terroristes. Je me permets de le rappeler à mes amis libéraux : le retrait d'Irak faisait partie des engagements du PSOE avant les attentats du 11 mars. Le jeu normal de la démocratie est que le premier ministre Zapatero applique son programme.

Plus problématique est la rapidité avec laquelle cette décision est prise, alors que Zapatero s'était montré très évasif lors de son discours d'investiture jeudi dernier. L'engagement de retirer les troupes sauf si l'ONU prenait en charge l'occupation offrait au gouvernement espagnol une position de force pour négocier avec les Etats-Unis. La visite du ministre des Affaires Etrangères Miguel Angel Moratinos aux Etats-Unis à partir de mardi aurait pu permettre de poser des conditions fermes concernant le maintien des troupes.

En cas de refus, c'était une porte de sortie honorable pour Zapatero. En cas d'accord, l'Espagne aurait prouvé une capacité d'influer sur le cours des événements qui allait bien au delà de sa maigre contribution à la coalition (moins d'1% des troupes). En forçant la main des Américains, Zapatero aurait pu jouer le rôle que Blair avait cherché à jouer, sans succès véritable, durant l'hiver 2003.

La décision de ce soir risque non seulement de rendre la visite de Moratinos à Washington assez pénible, mais surtout elle anéantit l'une des dernières chances de voir la stratégie américaine à Irak s'infléchir radicalement.

Addendum (20/04) : Phersu trouve que je suis trop dur avec Zapatero. A la relecture, je pense effectivement que le ton de ce post -en particulier son titre- est un peu excessif. Pour clarifier : je suis conscient de la difficulté d'infléchir la stratégie d'une administration Bush chez qui l'incapacité à reconnaître ses erreurs est quasi-pathologique. Je me rends aussi compte qu'une négociation avec les Américains aurait été mal perçue par la majorité des Espagnols. Cela dit, je continue à penser que Zapatero avait une main assez exceptionnelle, et qu'il est dommage qu'il n'ait pas cherché à l'exploiter. Après tout, rien n'empêchait les diplomates espagnols de mettre au point une proposition qui, tout en constituant une alternative crédible à la stratégie actuelle en Irak, était inacceptable pour les Etats-Unis.