12 mai 2004

Du PIB et des comparaisons internationales 

L'INSEE a publié ce matin sa première estimation du PIB de la France au 1er trimestre 2004. Et le chiffre est vraiment encourageant :
Selon l'estimation précoce du taux de croissance au premier trimestre de l'année 2004, publiée par l'Institut national de la statistique et des études économiques, le produit intérieur brut (PIB) français a progressé de 0,8%, une augmentation par rapport au 0,6% enregistré aux 3e et 4e trimestres de 2003.

L'acquis de croissance pour 2004 est donc relevé à 1,5% à la fin du premier trimestre, ce qui amène les responsables de l'INSEE à prévoir une croissance supérieure à la prévision officielle du gouvernement de 1,7%. "On se rapproche de 2% pour 2004", s'il n'y a pas "de retournement de conjoncture dans les trois trimestres qui viennent", a-t-on souligné à l'INSEE. "Aujourd'hui, on ne l'anticipe pas".
Evidemment, une hirondelle statistique ne fait pas nécessairement le printemps économique. Ce chiffre doit en effet être pris avec précaution, pour trois grandes raisons :
  • C'est une "estimation précoce", c'est à dire le premier calcul par l'INSEE du taux de croissance pour le trimestre écoulé. La rapidité de publication se paye en termes de fiabilité. Le chiffre brut de 0,8% est donc susceptible d'évoluer quand les 2e ("premiers résultats") et 3e estimations ("résultats détaillés") seront publiées, respectivement le 19 avril et le 30 juin.

  • Un trimestre ne fait pas une tendance. Le début 2002 avait aussi vu un début de reprise qui s'était cassé au deuxième semestre sous l'effet conjugué de la hausse de l'euro, de la baisse des marchés financiers et des tensions géopolitiques. Cela dit, l'économie française vient de connaître trois trimestres de croissance égale ou supérieure à sa moyenne de long terme (0,6 - 0,6 - 0,8), ce qui semble indiquer qu'un cycle de croissance est engagé.

  • Un autre inconvénient du produit "estimation précoce" est qu'il ne donne pas de chiffres du PIB par grandes composantes : consommation, investissement, exportations, dépenses publiques. A priori, la consommation et les exportations ont été "dynamiques" (pour reprendre le jargon des économistes) sur le dernier trimestre. Mais un vrai signe de reprise durable serait une poursuite de la croissance des investissements. En plus, la consommation des ménages ne peut pas éternellement progresser plus vite que leurs revenus (en majorité les salaires), donc il faut aussi attendre une baisse du chômage pour s'assurer que la machine est vraiment repartie.
Il est alors urgent d'attendre confirmation de ce bon chiffre et déraisonnable de crier victoire dès maintenant. Ceci étant dit, ce type de nouvelles permet de relativiser un peu le discours invariable des commentateurs économiques sur la sclérose européenne et la pétulance américaine. Il y a certes une partie de vrai dans cette analyse. Mais, souvent, le diagnostic est faussé par une lecture simpliste des données. On sait ainsi que la croissance du PIB américain au premier trimestre 2004 est estimée à 4,2%. Un chiffre auprès duquel notre pauvre 0,8% fait vraiment pitié.

Sauf qu'évidemment le 4,2% est un chiffre en rythme annuel, c'est à dire qu'on est en droit de multiplier notre 0,8% par 4 (soit 3,2%) pour avoir une comparaison plus juste. Mais pas totalement juste, cependant, car une partie du différentiel franco-américain s'explique par le fait que la population américaine augmente plus vite que la population française. Cet avantage démographique américain se traduit, toutes choses égales par ailleurs, par une croissance annuelle du PIB supérieure d'un point à la croissance française. Ce qui veut dire que notre 0,8% français est grosso modo égal au 4,2% américain, dès lors que l'on s'intéresse à la croissance du PIB par tête et plus à la croissance du PIB total. J'attends donc avec impatience que nos commentateurs économiques s'inquiètent de la "surchauffe" de l'économie française.