03 mai 2004

L'Islande, l'autre pays de la grève 

Le pénultième numéro de The Economist contenait cet intéressant graphique :



Et voilà! Encore une idée reçue qui s'effondre : les Français ne sont pas champions du monde de la grève. Le rang (15e sur 21) est certes loin d'être flatteur. Mais en valeur absolue la France se maintient aux alentours de la moyenne, en compagnie de pays comme l'Australie ou l'Irlande qui sont citées régulièrement en exemple dans les gazettes libérales. Je constate aussi en passant qu'on chercherait en vain une corrélation entre taux de chômage et fréquence des grèves : a priori, un marché de l'emploi tendu renforce le pouvoir de négociation des salariés, ce qui devrait augmenter la probabilité des grèves. Le graphique ne montre rien de tel, preuve que d'autres facteurs (culture politique, poids et orientation des syndicats) jouent un rôle au moins aussi important.

Précision nécessaire (cf le rapport de l'Office of National Statistics) : les comparaisons internationales sont délicates. D'une part parce que la définition de l'événement "grève" varie selon les pays. D'autre part parce que certains pays prennent en compte les travailleurs non-grévistes empêchés de travailler à cause d'une grève dans leur entreprise et d'autres pas. Cela dit, les services français ont une définition plutôt large, ce qui conduit à penser que le chiffre de la France est plutôt surévalué. Au contraire des Etats-Unis, où seules les grèves impliquant plus de 1 000 salariés sont prises en compte. Ce qui laisse à penser que la France et les Etats-Unis doivent se situer à peu près au même niveau.

Pourquoi alors le travailleur français garde-t-il cette image de fauteur de grève permanent? Sans doute parce que les arrêts de travail sont, en France, concentrés dans le service public, donc très visibles et perturbateurs. En plus, les grandes grèves s'accompagnent généralement de défilés à Paris, ce qui les rend immédiatement perceptibles par les correspondants de médias étrangers. Je me souviens d'un article dans la presse anglo-saxonne (peut-être celui-là) qui notait que la France est le seul pays où un quotidien (Le Parisien) consacre chaque jour une page à l'annonce des manifestations dans la capitale. Ce qui est certainement vrai, mais hors sujet : une observation, surtout aussi indirecte, ne fait pas une statistique, ce que confirme les données présentées par l'ONS.