20 mai 2004

Menaces sur la constitution européenne 

La victoire des sociaux-démocrates en Espagne et la chute du gouvernement Miller en Pologne ont assuré que le projet de constitution sera adopté lors du Conseil européen des 17 et 18 juin prochain. C'était du moins ce que nous prédisaient la majorité des commentateurs le mois dernier. L'opinion dominante est soumise à rude épreuve ces jours-ci.

D'abord, comme on pouvait le prévoir, la décision de Blair d'organiser un référendum sur la constitution a fortement durci la position britannique. Vu que l'électorat grand-breton a peu de chances d'adopter en état le projet de constitution, Blair (et Straw) menacent de faire capoter les négociations s'ils n'obtiennent pas une diminution significative du champ de la majorité qualifiée, comme l'écrivait hier Le Monde :
M. Straw a également remis en question l'introduction partielle du vote à la majorité qualifiée en matière de fiscalité, de sécurité sociale, de politique étrangère, de défense, de coopération pénale. M. Fischer lui a reproché d'appliquer la "tactique du salami", qui consiste à revenir, tranche par tranche, sur les acquis des discussions précédentes.

Le ministre britannique a affirmé que les "lignes rouges"de la Grande-Bretagne n'avaient pas changé et que, si elle n'obtenait pas satisfaction sur celles-ci, elle ne signerait pas le traité constitutionnel. "Nous voulons un accord en juin, a-t-il dit, mais il doit être acceptable pour les vingt-cinq pays, y compris la Grande-Bretagne."

"On ne peut pas réussir un accord pour le 18 juin si chacun multiplie ses blocages, ses réserves et ses réflexes nationaux", a répliqué M. Barnier. Plusieurs participants ont estimé que Londres, sans le dire explicitement, se prévalait de sa volonté d'organiser un référendum sur le projet de Constitution pour refuser toute concession qui risquerait de provoquer l'échec de la consultation. Ils ont jugé que cette perspective ne justifiait pas l'intransigeance britannique.
Ensuite, et contrairement à ce que rapporte Le Monde, les nouveaux gouvernements espagnols et polonais n'ont pas totalement renoncé à se battre pour conserver les avantages qu'ils avaient gagné à Nice. Selon le site EUpolitix :
D’aucuns pensaient que Madrid et Varsovie avaient décidé d’assouplir leur position, mais selon de hauts responsables nationaux, des divisions persistent.

« Si l’Espagne et la Pologne poursuivent sur la ligne adoptée ce matin, la bataille promet d’être difficile », a-t-on indiqué de source proche des négociations.

L’arrivée des socialistes au gouvernement espagnol en mars dernier avait laissé espérer un changement d’avis de la part de Madrid, mais le nouveau chef de la diplomatie espagnole, Miguel Moratinos, ne détient encore personne en otage. [NDM : sic!!! la version anglaise dit "is still taking no prisoners", ce qui signifie "ne pas faire de concessions"]

Les propositions de compromis avancées par l’Espagne, qui consistent à permettre aux États membres dont la population est moindre de bloquer les décisions communautaires, ne sont pas acceptables aux yeux de la France et de l’Allemagne.

La Pologne fait elle aussi pression sur la question de la pondération des voix au sein des Conseils des ministres européens.

Le ministre polonais des Affaires étrangères, Włodzimierz Cimoszewicz, a déclaré ce mardi ne pas être optimiste quant à la possibilité de s’accorder sur la Constitution d’ici juin.
Résultat, les esprits étaient bien échauffés lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE (avec un échange fameux où Britanniques et Français se sont envoyés des noms d'insectes à la figure) et le pessimisme fait un retour en force. Il faut bien entendu prendre les déclarations tapageuses des négociateurs pour ce qu'elles sont : un moyen d'effrayer tout le monde pour grapiller quelques concessions. Mais la route vers un accord apparait beaucoup plus tortueuse aujourd'hui qu'on ne l'envisageait il y a un mois.