28 juin 2004
"Indéfendable" comme l'écrit (le crie) la une de L'Equipe de samedi? Pas nécessairement. Bien sûr, la prestation des Bleus lors d'un quart de finale qui n'aurait dû être qu'une formalité a été pathétique. Pour tout dire, je ne crois pas avoir vu une mi-temps (la première) aussi désespérement calamiteuse depuis très, très longtemps. Et je suis un supporter auxerrois. A certains moments, ce n'est même plus l'angoisse qui me tenaillait, comme contre la Croatie et la Suisse, mais bien un clair sentiment de dégoût devant un gâchis aussi complet. D'autant que la Grèce n'est pas un foudre de guerre, même avec le supplément d'âme tactique insufflé par Rehhagel.
J'ai donc été décu, certes. Mais outré, furieux, inconsolable? Aucunement. Parce que la France, au vu de son parcours en première phase, ne méritait pas de continuer plus loin l'aventure. Ce qui contribue a faire passer beaucoup plus rapidement la déception d'un quart de finale au cours duquel, et même en jouant exécrablement, les Bleus ne sont pas passés si loin d'une qualification. Tout le contraire d'une récente finale de Ligue des Champions, que Porto avait remportée de manière incontestable, mais dont l'issue m'avait réellement peiné au vu du parcours somptueux des Monégasques lors des tours précédents.
Cette étrange placidité en face du naufrage de l'équipe de France vient peut-être aussi du sentiment que, décidement, nous avions été trop gâtés depuis 1998. L'exceptionnel était devenu la norme, l'exploit une routine, la supériorité mondiale de la France une évidence. Je crois même que nous aurions accueilli le triomphe de 2000 avec une joie un peu blasée, si nous n'avions pas distinctement senti passé le vent du boulet pendant les trois rencontres du tableau final. Et le coup de tonnerre de 2002 avait vite été rangé au rang d'un accident, confluent d'une série improbable de circonstances exceptionnelles : blessures de Pires et de Zidane, autisme du sélectionneur, mauvaise préparation physique, climat inamical, malchance caractérisée, arbitrage hostile et distractions féminines au Sheraton.
Après deux échecs, il est désormais plus facile de tourner la page et de se dire que les grandes équipes sont elles aussi mortelles. Que les défaites d'aujourd'hui rendront les victoires à venir d'autant plus belles. Et que, si elles tardaient à venir, il nous restera à jamais des souvenirs fabuleux, qu'on ne se privera pas de raconter plus tard à nos enfants : le doublé incroyable de Thuram, la volée magique de Trézéguet et l'ambiance irréelle des rues de Paris, en ce beau soir de juillet 1998.
Mis en ligne par Emmanuel à 01:24 | Lien permanent |