01 juin 2004

E-fumisterie 

On savait déjà que Raffarin avait tendance à péter les plombs quand il s'adresse à des djeunz :
Oui, je dis aux jeunes, la fête, c’est la vie. La vie, c’est ton visage. Ta vie, elle est importante pour toi, elle est importante pour tes proches, pour tes amis, pour ta famille, elle est très importante. Alors, protège-la. La vie, c’est ton visage.
On savait aussi que l'ambiance des campagnes électorales difficiles le poussait à sortir de son chapeau des propositions à la limite du ridicule :
Jean-Pierre Raffarin souhaite proposer au Parlement une réforme des élections régionales "pour qu'elles n'aient pas lieu le même jour dans toutes les régions", indique-t-il dans une interview au quotidien La Provence parue ce jeudi. "Comme en Allemagne ou en Italie", précise le Premier ministre. "Cela afin que le débat soit vraiment un débat régional et que l'on ne projette pas sur ce scrutin des considérations de politique nationale", ajoute-t-il.
On pouvait donc s'attendre au pire en apprenant que le Premier ministre allait flatter l'électorat internautesque en se fendant d'un chat -pardon, d'un t'Chat- à moins de deux semaines des européennes. Et on avait raison :
PARIS (AP) -- Jean-Pierre Raffarin a proposé mardi que les électeurs puissent voter par Internet lors des prochaines élections européennes.
«Je propose qu'en 2009, on vote par Internet», a déclaré le Premier ministre lors d'un chat sur Internet.
M. Raffarin était interrogé par un internaute sur l'absence de campagne pour les élections européennes du 13 juin. Le Premier ministre a fait part de son intention de «faire campagne dans la semaine qui vient».
Ce n'est pas que je sois particulièrement technophobe, mais j'avais l'impression que les grands projets de démocratie électronique avaient pris un peu de plomb dans l'aile depuis les années folles de la bulle Internet. Que les problèmes de sécurité que pose le vote par Internet sont loin d'être réglés. Et que même le vote électronique dans les bureaux de vote n'inspire pas, et c'est un euphémisme, une confiance absolue (voir Etats-Unis : Diebold).

Beaucoup plus que les mérites douteux de cette proposition, pourtant, c'est bien le fait d'y voir une réponse crédible au manque d'engouement autour des européennes qui est pitoyable. Aussi pitoyable, en fait, que l'idée selon laquelle des votes séparés aux régionales aurait évacué toute dimension nationale des élections.

Au delà des sempiternels lamentos de la presse sur la campagne qui ne démarre pas (voir Versac sur ce point), la distance entre le citoyen et les institutions européennes pose des problèmes réels et appelle des solutions radicales - solutions qui seront peut-être déchirantes pour ceux qui, comme moi, se bercent depuis longtemps de rêves d'Europe fédérale. Croire que permettre aux électeurs d'accomplir leur devoir civique sur un serveur plus ou moins bien sécurisé est le début du commencement d'une réponse au "déficit démocratique" de l'Europe est indigne d'un chef de gouvernement.

Ce n'est pas que les paramètres d'une élection soient sans aucune importance. Mais le seul critère vraiment déterminant est, à mon avis, celui du mode de scrutin. Or, sur ce sujet, le gouvernement Raffarin a incontestablement contribué à rendre les européennes encore moins lisibles et démocratiques qu'elles ne l'étaient auparavant.