03 juin 2004

Un peu de macro 

Il est toujours plus prudent de se méfier des plaidoyers pro domo qui se travestissent en analyses éclairées dans les pages opinions des grands quotidiens. Témoin cette tribune récente d'un dirigeant d'une grande banque qui soutenait que toute tentative d'introduire plus de concurrence dans le secteur bancaire serait fatalement mauvaise pour le consommateur.

Cela dit, il me semble que le constat avancé dans cette tribune du Monde, sous la plume d'un quatuor d'acteurs clairement intéressés, est globalement valable :
  • L'épargne des ménages français est élevée par rapport à la moyenne des pays occidentaux (pas de manière délirante, comme pourrait le laisser croire des comparaisons sur des bases différentes, mais sensiblement plus élevée quand même).

  • Cette épargne s'oriente massivement vers des produits financiers réputés sans risque, avec un appétit très fort pour les obligations.

  • A contrario, les Français investissent moins en actions que la moyenne (même si l'écart se réduit depuis le milieu des années 1990) et, surtout, investissent très peu dans les sociétés non cotées.

  • Ce manque de fonds est un frein majeur au développement des PME et handicape sérieusement l'économie française (dans la mesure où le problème français n'est pas un nombre insuffisant d'entreprises, mais bien une proportion trop importante de très petites entreprises cf un excellent article de Guillaume Duval dans Alter Eco d'avril 2004)
La question qui tue est donc : comment réorienter une partie de l'épargne des Français vers les PME innovantes? Parce qu'a priori les ménages ont le choix -certes influencé par la législation fiscale- de placer leur épargne où ils le veulent et ils sont très majoritairement partisans du couple petit risque - petit rendement. Dès lors, soit on attend que les préférences changent d'elles-mêmes, mais on peut attendre longtemps. Soit on prend des actions un peu volontaristes pour inciter ou contraindre les Français à placer leur argent là où il faut. C'est la solution que retiennent nos auteurs en proposant... une loi pour obliger les gestionnaires d'assurance-vie à investir une part croissante de leurs encours dans les PME, via des fonds de capital risque. L'ironie du sempiternel recours à la loi mise à part, c'est le genre de proposition qui me semble à la fois répondre à un vrai problème et constituer une solution digne d'intérêt. D'accord, l'hypothèse des auteurs selon laquelle l'adoption d'un telle mesure, couplée à une forte augmentation du financement public de la recherche, permettrait d'élever le taux de croissance de deux points est complètement fantaisiste. Mais, sur le fond, c'est en tout cas beaucoup plus constructif que la rengaine actuelle sur les délocalisations, rengaine justement et brillamment démontée lundi dernier dans Libération par l'économiste Philippe Martin.