13 juillet 2004

Dix (fausses) propositions économiques 

L'économiste et conspirateur volokhien Tyler Cowen liste huit propositions économiques orthodoxes qui sont de plus en plus remises en cause par les recherches empiriques (suivre le lien pour des explications sur chaque proposition) :
1. We can both control the price level and keep interest rates stable by targeting the monetary base.

2. Minimum wage boosts will generally put many low-skilled workers out of work.

3. Investment is highly elastic with respect to observed changes in real interest rates.

4. Free capital movements for developing countries should usher in macroeconomic stability.

5. Immediate privatization is more important than establishing the rule of law

6. It is relatively easy for a disinflation to be credible, provided the government sticks to its guns.

7. Fairness perceptions, envy, and a stubborn attachment to the status quo have little to do with nominal wage stickiness.

8. Human beings maximize expected utility in the same way, regardless of context.
A part (1) qui est d'inspiration strictement monétariste, les sept autres propositions faisaient partie il n'y a pas si longtemps du consensus néoclassique. (2) et (7) sont remis en cause par les progrès considérables de l'économie du travail. (4) et (5) ont été battus en brèche par les failles du honni "consensus de Washington" (dont la version originale ne mentionnait d'ailleurs pas l'ouverture intégrale aux flux de capitaux) tel qu'il a été appliqué en Amérique du sud et en Europe de l'est. Les objections à (8) proviennent de l'intégration des enseignements de la psychologie sociale à l'économie, qui a valu un prix Nobel d'économie à Daniel Kahneman en 2002. L'échec de (6) est démontré a contrario par la stratégie de désinflation compétitive menée en France au début des années 1990 : l'objectif de baisse relative des salaires réels a été atteint mais à des coûts économiques et politiques proprement prohibitifs. L'absence de preuves pour (3) me surprend plus, surtout dans le contexte de reprise de l'investissement aux Etat-Unis l'année dernière après la chute des taux d'intérêts réels. Je suppose que tout dépend du sens qu'on donne à l'expression "forte élasticité".

Histoire d'arriver à 10, je rajoute deux propositions qui font partie de la doxa de notre commentariat économique alors qu'elles ne sont pas validées par les travaux empiriques.
9. La rigidité du marché du travail est la cause principale du niveau elevé du chômage en Europe. (Cette thèse a notamment été démontée par Olivier Blanchard. Voir par exemple les conclusions de cette communication)

10. Le maintien d'un Etat providence généreux est un frein à la croissance économique. (Voir les travaux de Peter Lindert, commentés ici par Tyler Cowen)
Les implications de la remise en cause de ces thèses néoclassiques sont à double tranchant. Les pourfendeurs routiniers de l'économie ne manqueront pas, parfois avec raison, de souligner que les politiques inspirées par une théorie orthodoxe ont pu conduire à des résultats désastreux. Les économistes répondront, non sans pertinence, que ces recherches prouvent que la discipline sait remettre en cause la théorie dominante (et en conclure hâtivement que l'économie est une science). L'un des problèmes est que les enseignements des études économiques mettent du temps à influencer le débat politique. Résultat : le consensus en matière de politique économique tel qu'il s'exprime par exemple au G8 reste aujourd'hui majoritairement inspiré par une théorie qui a été sensiblement remise en question.