07 juillet 2004

Pour se faire une opinion sur John Edwards 

La présence de John Edwards sur le ticket démocrate a ravi beaucoup de monde outre-Atlantique. Les journalistes, qui n'aiment rien tant que la nouveauté, sont satisfaits d'avoir échappé au vétéran Dick Gephardt. Les blogueurs démocrates se réjouissent d'un choix qu'ils avaient appelé de leurs voeux. De nombreux blogueurs républicains joignent même un concert de louanges qui frise le consensus. Tout le monde est content, semble-t-il.

Tout le monde? Non, un îlot de la blogosphère résiste encore et toujours à la frénésie médiatique. Un îlot, par un hasard étonnant, surtout peuplé par mes compatriotes mangeurs de fromage.

Témoin la réaction désabusée de Phersu :
Edwards est beau, mais à part ça, je trouve son populisme vide. Tout le monde encense son "optimisme". Vous savez pourquoi ? Parce qu'il répète le mot "optimism" toutes les phrases. Dans ce cas-là, le discours de Raffarin sur "l'intelligence de la main" était "intelligent".
Ou le jugement certes provisoire mais plutôt sceptique de JR, depuis ses Douze Lunes :
Un sénateur sans grande expérience politique, un ex avocat ayant fait fortune spécialiste des procès en responsabilité civile, certes c'est un Démocrate du Sud, intelligent et qui présente bien, juste que son sourire de vendeur d'automobiles me semble caricatural, pour ne pas dire plus.
Je peux comprendre ces critiques. Au début de l'année, j'avais un énorme a priori favorable sur John Edwards, à force de lire des articles élogieux et les analyses enthousiastes de Matthew Yglesias sur son programme. Et puis, au cours des primaires, je l'ai vu plusieurs fois sur CNN, en interview, en meeting et en débat avec les autres candidats démocrates. Et l'expérience m'a franchement déçu. Ses discours publics sonnaient étrangement faux, ses réponses au cours des débats étaient beaucoup mois fines que celles de John Kerry. Peut-être que mes espoirs étaient démesurés. Sûrement aussi que l'accent du Sud -que j'arrive à comprendre mais pas à apprécier- a coloré mon jugement.

Ceci étant dit, le choix de John Kerry doit s'apprécier en fonction des alternatives disponibles. Je reste convaincu qu'Edwards est un bien meilleur choix que Gephardt, Vilsack ou Clark. En plus, il me semble toujours très délicat de regarder la scène politique américaine au prisme de nos attentes et de nos critères français. C'est le meilleur moyen de ne rien comprendre à la popularité de Reagan ou au fait que l'administration Bush tienne encore (difficilement) debout. De même, le meilleur argument en faveur d'Edwards est sa capacité à susciter l'enthousiasme (peut-être injustifié) d'une frange importante de l'électorat américain. Et pour des raisons différentes, qui peuvent être contradictoires : le sénateur de Caroline du nord semble ainsi élargir le champ du ticket démocrate sur la gauche (l'avocat qui vient du peuple et qui défend les intérêts du peuple face aux ploutocrates) et au centre (le sudiste au franc parler qui partage les valeurs traditionnelles de l'Amérique).

Mais je m'écarte sensiblement de la mission que je me suis fixé avec le titre de cette note. Pour vraiment se forger une opinion éclairée sur John Edwards, je ne saurai que trop conseiller :
  • Une discussion entre gens-qui-s'y-connaissent sur le site de l'hebdomadaire centriste The New Republic

  • Un portrait de John Edwards paru en 2002 dans le New Yorker, qui m'avait beaucoup impressionné à l'époque et explique en partie mon enthousiasme mentionné plus haut.
Je confesse que ces deux textes sont globalement favorables à Edwards. Pour une perspective radicalement différente, voir aussi ça (surtout le deuxième texte de John Miller). [Add. : En fait, non. La propagande RNC de Miller est amusante, mais elle ne casse pas cinq pattes à un âne. Contrairement à cette tribune de Josh Benson, toujours sur le site de The New Republic, qui est foutrement bien argumentée, même si ça ne me fait pas plaisir. Sa mise en garde sur le danger de jauger la réaction de l'électorat américain à la lueur du consensus des médias et de la blogosphère me semble particulièrement opportune.]