10 août 2004

Die Fälschung (Völker Schlöndorff, 1981) 

Un film sur la guerre. Sur le journalisme en temps de guerre. Sur le couple à bout de souffle du journaliste. Et sur les histoires qu'on se racontent pour supporter l'horreur de la guerre et la mort de l'amour. Le titre français est "Le faussaire" ; le titre allemand dit, plus exactement, "Le faux".

Ca commence dans les brouillards de l'Allemagne du nord. Notre héros, le journaliste Georg Laschen, arrive à bord d'une voiture typiquement allemande devant sa maison typiquement allemande. Engueulade avec sa femme, typiquement allemande elle aussi. Lui annonce qu'il se barre en reportage de longue durée au Liban, où la guerre fait rage. Discussion sur le thème "tu ne vois jamais tes enfants". On le sent plutôt content de s'extirper de cette situation tendue.

Rideau. Beyrouth : grand hôtel rempli de journalistes occidentaux, de champagne, de danseuses du ventre, d'expatriés cyniques et de petits trafiquants. Un peu à la Casablanca en fait, avec tout ce que cela comporte de faux semblants et de chacun pour soi derrière les manières policées d'une clientèle friquée.

Dehors, la guerre. La vraie. Brutale, cruelle, interminable, futile, inhumaine. Les gamins en armes. Les snipers qui s'amusent à dégommer des vieillards pour se faire la main. Les concerts de kalachnikov et de lance roquettes dès que la nuit commence. Les familles passées par les armes, pour le principe. Les cadavres brûlés sur la plage, dans les rues, dans des voitures abandonnées. Le risque permanent de se prendre une rafale, perdue ou pas.

Et puis cette ivresse paradoxale du journaliste "sur le terrain". La sensation de se sentir invulnérable, à force de courir entre les balles. Le sentiment de pouvoir exposer à la face du monde les atrocités commises par les milices chrétiennes. De faire avancer les choses. Sauf que les choses, au Liban, ne cessent de reculer. Que les forces palestiennes ne sont pas les dernières au grand jeu de la barbarie ordinaire. Que, comme le dit Laschen, il y a pire que de ne pas savoir : savoir, et ne pas se battre. Que le modèle du journaliste qui enregistre froidement les événements, shoote les cadavres, questionne les miliciens aux mains sanglantes, ne peut qu'exploser au contact de la réalité.

Et le dégoût monte lentement. Jusqu'à l'explosion finale. Qui ne résoud rien, car il n'y a vraiment plus rien à résoudre dans cet enfer.

Le film a été tourné à Beyrouth, ce qui lui donne des faux airs de documentaire sur la guerre au Liban. Mais il parvient à faire passer des vérités plus générales. Grâce au talent de Schlöndorff et à l'interprétation magnifique de Bruno Ganz.