06 août 2004

La nouvelle idole alter 

Quelqu'un se rappelle-t-il de Lula? Mais si, l'ancien syndicaliste élu président du Brésil à l'automne 2002. Le grand espoir du mouvement social, des sans-terres du Nordeste et des sans-voix de Saint Germain des Prés. Paraît qu'on ne l'aime plus. Le rondouillard Lula a suivi la courbe de tant de sociaux-traîtres avant lui : il a abandonné la révolution pour la réforme, a accepté le joug de marchés financiers et refusé la confrontation frontale avec les Etats-Unis. Pire même : il a ouvert en grand le Brésil à la culture des OGM. Vade retro ultraliberanas!

Du coup, nous nous sommes sentis un temps vaguement orphelins. Castro est trop vieux, Mugabe absolument indéfendable, Zapatero trop troisième voie et le sous-commandant Marcos un peu usé. Heureusement, un dirigeant charimastique porte encore fiérement l'étendard des damnés de l'alter. Cet homme, c'est Hugo Chavez, le président du Vénézuela, qui a su garder ses idéaux même après 6 ans de pouvoir solitaire. Ce héros est aujourd'hui en danger, victime de son respect de la démocratie face à une opposition -évidemment corporatiste, pro-américaine et ultralibérale- prête à tout pour reprendre le pouvoir, même à utiliser des moyens démocratiques. Plus que jamais, donc, Chavez mérite notre soutien plein et entier.

J'entrevois le sourire en coin des sceptiques. Qui feront remarquer qu'avec son passé de parachutiste putchiste, Chavez est une icone improbable pour l'alter gauche. Je ris sous cape. Et le Che, il était coiffeur pour dames, peut-être?

Et puis, ce qui compte, ce sont les résultats éblouissants du président Chavez. Résultats dont les tenants de la gauche molassonne n'ont évidemment jamais entendu parler, intoxiqués qu'ils sont par la lecture d'une presse internationale à la botte des intérêts pro-américains. Même Charlie Hebdo, "ex-journal de gauche", s'y est fait prendre, victime de sa tendance maladive à "assimiler toute contestation de l’ordre néo-libéral par un gouvernement à du stalinisme en puissance". Alors que si les journalistes prenaient la peine de lire vraiment les comuniqués de presse de la présidence (au lieu, par exemple, de regarder les statistiques économiques), ils s'apercevraient que la mane pétrolière qui n'a pas été captée par les dirigeants a été largement redistribuée à leur clientèle électorale. Et que Chavez a pris des mesures radicale contre LE fléau qui menace l'avenir de l'humanité : les OGM.

Certes, me répondra-t-on, l'opposition à Chavez est en grande partie détestable (comme l'a prouvé le coup d'Etat de 2002, sans doute appuyé en sous-main par notre vieille connaissance Otto Reich) et ce président a l'air sacrément adulé par les masses populaires. Mais quid des droits de l'homme? Les ONG, comme Amnesty International ou Human Rights Watch, mettent en évidence des dérapages assez inquiétants de la part du pouvoir, non? Je me permets de rigoler une dernière fois devant une tel étalage de naïveté. Regardez-bien où ces deux associations sont basées, et dites-moi si elles peuvent porter un jugement objectif sur la politique du Vénézuela. Et puisque vous voulez une réponse sur le fond, la voici :
Le cinéaste argentin Solanas et l’écrivain uruguayen Eduardo Galeano, qu’on ne peut suspecter de naïveté en matière de Droits de l’Homme, ont témoigné de «l’incroyable liberté d’expression en vigueur au Venezuela ».
Tiens, cette idée d'envoyer des intellectuels sur place pour témoigner de la pureté du régime et des mensonges de la presse internationale est assez intéressante. On devrait peut-être en faire un livre à grand tirage. Avec un titre simple, non-polémique et qui fleurerait bon la sincerité des choses vues. Retour du Vénézuela, par exemple.

Add. (10/08) : En commentaires, Fredoche attire mon attention sur le blog d'un journaliste français actuellement au Vénézuela pour couvrir le référendum du 15 août. Tout ça manque encore un peu de matière pour l'instant et quelques phrases pro-chavistes me font légèrement tiquer (comme la légende d'une photo qui proclame, sans guillemets : "La constitution de Chavez votée en 1999, le texte democratique le plus avancé du monde"). A suivre, néanmoins.