02 septembre 2004

Réalité virtuelle 

Je suis obligé de le reconnaître : les tribunes d'Alexandre Adler sont marginalement supérieures au tout venant de l'analyse figaroesque. Mais il semble que notre ami intellectuel de l'espèce rare des chiraco-likoudophiles a un peu de mal à cerner le personnage de George W. Bush :
Il y a enfin chez George Bush les meilleures qualités d'un aristocrate de la Nouvelle-Angleterre : une courtoisie et une dignité sans failles, un respect de l'adversaire, un sens de l'humour et de l'autodérision que l'on semble ignorer en Europe, une tolérance pour les points de vue opposés aux siens propres, une grande loyauté envers tous les membres d'une équipe qui n'aura connu qu'une défection en quatre ans de crise – celle du premier ministre des Finances.
La courtoisie et la dignité sont pour le moins contestables, à moins que le sens profond de "major league asshole" ne m'ait échappé ou que l'expression "sans failles" signifie en adlérien "sans failles sauf toutes les fois où ce n'est pas le cas". Le sens de l'humour est pareillement contesté, d'autant que l'autodérision bushienne ne se déploie vraiment qu'au cours de discours que Bush n'écrit évidemment pas lui-même. La loyauté envers les membres de son équipé est la façon charitable de dire que Bush a une tendance profonde à ne jamais, jamais, admettre ses erreurs et qu'il n'a pas le courage de renvoyer ses collaborateurs incompétents. Et la "tolérance pour les points de vue opposés aux siens propres" provient tout droit d'un univers parallèle qu'Adler doit être le seul autorisé à fréquenter.

Cela dit, le reste de la tribune d'Adler n'est pas si mauvais. A part une équivalence malhonnête entre le service militaire héroïque de Kerry et celui, chaotique, de Bush. Et la référence aux "milliardaires" que seraient Bush et Kerry, ce qui est manifestement faux à moins qu'Adler ne continue à compter en roubles. Et l'affirmation selon laquelle Bush aurait mené une "politique tempérante et responsable vis-à-vis de l'Amérique latine", un jugement légèrement mise à mal par l'attitude de Washington au cours du coup d'Etat au Venezuela en 2002. Et sa lecture de la politique intérieure bushienne comme préparant un retour aux valeurs et aux principes du New Deal, vision tellement risible qu'elle en devient embarassante.

Mais Adler a au moins le "courage moral" de défendre George W. Bush auprès d'un public français qui, à l'exception de Pierre Lellouche, est peu disposé à entendre ses arguments. Dommage qu'il se dégonfle à la fin, au bout d'un argumentaire complétement tiré par les cheveux, en souhaitant quand même la victoire de Kerry. Il devrait suivre l'exemple de Michael Bérubé qui, lui au moins, assume jusqu'au bout ses opinions de converti.