29 octobre 2004

Quart d'heure anti-américain 

Comme Phersu, Daniel Schneidermann a regardé l'intervention d'Eric Laurent chez Ardisson samedi dernier. Il en tire une conclusion désabusée :
[L]'obsession anti-Bush qui se déploie dans les médias français et s'emballe à l'approche de l'élection devient étouffante. Aussi étouffante, aussi abêtissante sans doute que la propagande adverse à la Fox News. Cette obsession qui nous présente tous les électeurs de Bush comme des Fous de Dieu, tous les soldats américains comme des mutins en puissance, et ce soir les victimes du World Trade Center comme des monstres qui, jusqu'au dernier instant, ont continué à spéculer dans leur tour en feu, jouant à la baisse les compagnies aériennes, en un mot l'exhibition orwellienne de Bush et de l'Amérique comme cible quotidienne d'un quart d'heure de la haine, tout cela ne nous aide pas à comprendre, ni l'Amérique ni le monde qui nous entoure.
Schneidermann avait eu le courage d'écrire la même chose en mars 2003. Il avait raison alors. Il a aussi raison aujourd'hui, même si l'atmosphère me paraît quand même moins "étouffante" qu'avant la guerre en Irak.

Disons que la couverture des Etats-Unis exacerbe souvent un défaut bien connu de la presse française : l'absence de séparation claire entre l'information et l'opinion, entre l'article factuel et l'éditorial. J'ai entendu cette semaine un "papier" d'une correspondante de France Inter (si je me rappelle bien) à Washington qui évoquait tout naturellement, et sans l'étayer le moins du monde, la "propagande" de la campagne Bush. C'est le genre de facilités qui me gênent terriblement. Pas un journaliste français ne se serait permis d'employer ce mot dans un compte-rendu factuel pour caractériser, par exemple, la campagne de Chirac en 2002. Je ne vois pas pourquoi toutes les règles de base du journalisme devraient être jetées aux orties une fois l'Atlantique franchi.

Même si Bush est détestable, et qu'il y a de bonnes raisons de souhaiter la victoire de Kerry. L'une d'elle étant qu'on peut espérer que le départ de Bush ferait baisser le volume de l'anti-américanisme dans les médias français.