11 octobre 2004

Un Nobel à vil prix? 

La route pour décrocher un prix Nobel est droite, mais la pente est beaucoup trop forte pour le commun des mortels.

Heureusement, il y a deux raccourcis : le premier consiste à se dire écrivain et à adopter des positions politiques ultra-gauchistes, posture qui plaira aux vieillards anti-américains chargés d'attribuer le Nobel de littérature; le second est de profiter du simplisme de la science économique pour révolutionner la discipline avec des analyses qui ont tout l'air de truismes pour les non-économistes. Je suis injuste? Voyez ce qui justifie en partie le Nobel donné aujourd'hui à deux économistes, le norvégien Finn Kydland et l'américain Richard Prescott :
The Laureates showed how [...] expectations about future economic policy can give rise to a time consistency problem. If economic policymakers lack the ability to commit in advance to a specific decision rule, they will often not implement the most desirable policy later on. Kydland and Prescott's results offered a common explanation for events that, until then, had been interpreted as separate policy failures, e.g., that economies become trapped in high inflation even though price stability is the stated objective of monetary policy. Their awarded work established the foundations for an extensive research program on the credibility and political feasibility of economic policy. This research shifted the practical discussion of economic policy away from isolated policy measures towards the institutions of policymaking, a shift that has largely influenced the reforms of central banks and the design of monetary policy in many countries over the last decade.
Comme ça, évidemment, ça sonne sérieux, scientifique et digne du Nobel d'économie (qui d'ailleurs n'en est pas un). Mais, en fait, comme le note l'économiste Atrios, ça revient à dire que :
For good monetary policy to work, it's necessary for people to believe that you're going to engage in good monetary policy.
C'est le genre de découverte qui vaut bien 10 millions de couronnes suédoises et l'attention du monde entier, non?

D'accord, fin du sarcasme. La cuvée 2004 du "prix de la banque de Suède en sciences économiques en l'honneur d'Alfred Nobel" est notable, pour plusieurs raisons :
  • Finn Kydland est le troisième norvégien à décrocher le prix, après Ragnar Frisch (1969) et Trygve Haavelmo (1989). C'est la confirmation de l'influence passée de l'école scandinave sur la discipline ou de l'atavisme du comité Nobel. A titre de comparaison, le compteur de la France reste bloqué à un et demi : Maurice Allais (1988) et Gérard Debreu (1983), né en France mais citoyen américain.

  • On revient à un prix décerné pour de la bonne vieille macroéconomie des familles, ce qui n'était plus arrivé depuis Robert Mundell en 1999.

  • Pour la première fois depuis 2001, je connais au moins le nom des lauréats et je peux situer vaguement leurs travaux.
Pas de là à pouvoir faire un topo sérieux sur leurs contributions, néanmoins. Pour cela, je vous conseille, du plus facile au plus technique : la courte note d'Atrios citée plus haut, le texte du comité Nobel à destination du grand public, deux contributions sur le blog Marginal Revolution et un long article (pdf) très complet et assez formalisé sur le site de la fondation Nobel.