23 novembre 2004

Belgrade, Tbilissi, Kiev? 

Furtivement, la situation actuelle en Ukraine m'a rappelé les biens mauvais souvenirs du référendum de cet été au Vénézuela : un président populiste qui utilise des méthodes contestables pour consolider son pouvoir; des sondages sortie des urnes qui laissent présager la victoire décisive d'une opposition pro-américaine; un réveil pénible, le lendemain, avec des résultats officiels qui accordent une avance confortable au pouvoir en place; des accusations tenaces de fraude électorale qui renforcent les divisions et place le pays au bord du gouffre.

La comparaison s'arrête-là, cependant. On peut disserter sur les mérites comparés de Leonid Koutchma (qui n'est pas Loukachenko) et d'Hugo Chavez (qui n'est pas Castro), mais il est clair que l'opposition ukrainienne, unie autour d'un leader crédible, est beaucoup plus convaincante que la coalition hétéroclite des anti-chavistes, dont certains éléments sont tout sauf recommandables. Surtout, l'attitude des observateurs internationaux et la pression des puissance occidentales changent fondamentalement les données du problème.

Au Vénézuela, la validation des résultats par la Fondation Carter et l'OEA avait considérablement affaibli la portée des accusations de l'opposition. En Ukraine, la dénonciation des fraudes par l'OSCE, l'Union européenne et les Etats-Unis légitime les protestations des partisans de Iouchtchenko. Cet élément peut laisser espérer un dénouement pacifique et favorable à l'opposition (et, incidemment, à tout ceux qui souhaitent voir l'Ukraine sortir de la sphère d'influence russe pour se rapprocher de l'Union Européenne). Comme en Yougoslavie en octobre 2000, quand Milosevic avait été forcé à quitter le pouvoir sous la pression de la rue après avoir refusé de reconnaître le résultat des élections présidentielles. Comme en Georgie en novembre 2003, quand des fraudes lors des élections législatives avaient conduit le peuple a réclamer la tête de Chevardnadze, et à l'obtenir.


(Source : Ivan Sekretarev, Associated Press)

L'attitude de la Russie est évidemment cruciale. Poutine a fait ouvertement campagne aux côtés de Ianoukovitch, a reconnu sa victoire et cherche aujourd'hui l'épreuve de force avec l'Union européenne et les Etats-Unis. Marie Mendras, interrogé sur France Info, avait l'air d'être surprise de la stratégie russe, qu'elle considérait à juste titre comme très dangereuse. Je suis infiniment moins compétent qu'elle pour apprécier la situation, mais il ne serait pas étonnant que le ton belliqueux de Poutine soit à la fois une manoeuvre de politique intérieure et un moyen d'être en position de force pour vendre chèrement une attitude plus conciliante de la Russie. Après tout, Poutine avait longtemps soutenu Milosevic et Chevardnadze, avant de les lâcher face à la pression internationale.

Il ne reste plus qu'a espérer que la Russie bluffe, à nouveau. Sinon, il y a lieu d'être très inquiet.

NB
: Fistful of Euros couvre l'événement en contenu, en renvoyant les lecteurs vers des sources ukrainiennes. A voir surtout : le blog d'une journaliste basée à Kiev et le site du Kyiv Post (en anglais).