10 novembre 2004

Dans la peau d'Oussama ben Laden 

Quels sont les vrais objectifs de Ben Laden? Quelle stratégie met-il en oeuvre pour les accomplir? Comment l'en empêcher? C'est à ces questions que tente de répondre une note assez extraordinaire et franchement dérangeante, sur le site (objectivement pro-terroriste) Daily Kos :
Instructions. For Questions 1 and 2, assume you are a violent extremist. In other words, there is some issue (it doesn't really matter what) for which you are willing to take up arms and kill people, even innocent people.

Question 1: What is the first and biggest obstacle between you and victory?

If you answered "People on the other side of my issue," go sit in the corner. That answer is completely wrong. If you assume terrorists think that way, everything they do will seem like total insanity.

The first and biggest obstacle to your victory is that the vast majority of the people who sympathize with your issue are not violent extremists. They may agree with you in principle. They may even sound like violent extremists late at night over their beverage of choice. But when the hammer comes down, they won't be there. [...]

So your first goal as a violent extremist is not to kill your enemies, but to radicalize the apathetic majority on your side of the issue. If everyone becomes a violent extremist, then you (as one of the early violent extremists) are a leader of consequence. Conversely, if a reasonable compromise is worked out, you are a nuisance.
Je ne suis pas d'accord avec l'ensemble du texte, qui contient 9 autres questions et réponses. [J'aimerais d'ailleurs bien savoir ce que mes lecteurs plus faucons et plus pro-Bush que moi pensent de cette analyse (du mal, je m'en doute, mais je suis curieux de connaître leurs contre-arguments).]

Par exemple, l'auteur part du principe qu'Al-Quaïda peut frapper à tout moments des objectifs sur le sol américain, mais que Ben Laden ne le fait pas pour des raisons uniquement stratégiques. C'est une explication plausible. Mais il est aussi tout à fait possible que l'absence d'attentat sur le sol américain depuis 2001 reflète le manque de moyens d'actions de Ben Laden ou l'efficacité du dispositif de sécurité des Etats-Unis. Ou encore le fait qu'Al-Quaïda préfère concentrer ses ressources sur une attaque de grande ampleur, qui prend des années de préparation, plutôt que de brûler ses vaisseaux en risquant un attentat de faible intensité.

Il y a d'autres points contestables, comme l'hypothèse selon laquelle le but de Ben Laden est, véritablement, de vaincre les Etats-Unis. J'ai tendance à croire, au contraire, que l'ennemi américain est, et a toujours été, un simple prétexte pour mobiliser la "rue arabe" en vue d'objectifs purement intérieurs.

Cela dit, le modèle général, au-delà d'Al-Quaïda et de l'Irak, me semble assez juste : l'objectif primordial d'un réseau terroriste est de radicaliser en sa faveur la population qui partage sa cause mais reste rétive à ses tactiques. Et, malheureusement, toute contre-offensive qui assimile rhétoriquement et qui frappe indistinctement les terroristes ET les sympathisants des terroristes a toute les chances d'entretenir le cycle de la violence.


Kevin Kallaugher, The Economist, 9 octobre 2004