13 décembre 2004
Je crois qu'une respiration s'impose avant de revenir à notre verbeuse croisade en faveur de la réduction du temps de travail. Car il n'y a pas que les 35 heures dans la vie et que les analyses économiques dignes d'intérêt se ramassent à la pelle aujourd'hui. Petit tiercé dans le désordre :
- Dans Libération, Thomas Piketty vire ultralibéral en critiquant les politiques de l'emploi en France et les mesures du plan Borloo en particulier. Ce qui est assez désespérant est qu'il y a un relatif consensus des économistes sur l'état du marché du travail en France et sur les solutions structurelles propres réduire le chômage. En version courte : il s'est instauré en France un marché du travail dual, avec d'un côté des CDI trop protégés et des CDD au statut précaire qui jouent le rôle peu enviable de variable d'ajustement de la main d'oeuvre. La solution passe par une fusion des deux types de contrats, l'abandon du traitement judiciaire des licenciements en faveur d'une taxe payée par les entreprises et le renforcement des services publics de placement et de formation des chômeurs. L'analyse avait était faite par Olivier Blanchard et Jean Tirole pour le CAE. Elle avait été magistralement développée dans un ouvrage essentiel signé Pierre Cahuc et André Zylberberg. Elle avait été reprise dans l'"ultralibéral" rapport Camdessus. Piketty rajoute aujourd'hui sa pierre à l'édifice. Quelque chose me dit que la loi de Murphy de la politique économique s'applique ici, hélas, parfaitement.
- Alexandre Delaigue se livre à un réjouissant dézinguage des fariboles mercantilistes du Monde. Vous voulez des statistiques amusantes (en pdf sur le site des Douanes)? Au mois d'octobre 2004, période "noire" pour le commerce extérieur français, la balance bilatérale la plus déficitaire de la France était avec... l'Allemagne (- 1 302 M€), ce monstre de "compétitivité économique", qui en est à envier le faible coût du travail en France. Et les plus gros excédents étaient avec le Royaume-Uni (+525 €), l'Espagne (+ 485 M€) et les Etats-Unis (+ 329 M€). C'est à se demander si les différentiels de croissance et de fonctions de consommation ne jouent pas un rôle dans tout ça.
- Kevin Drum revient sur un article du Los Angeles Times qui souligne l'augmentation de la volatilité des revenus des ménages américains depuis 30 ans. Phénomène qui concerne toutes les catégories de la population, mais (surprise, surprise) est d'autant plus prononcée pour les ménages modestes. Parce que les très gros salaires ont trouvé une méthode imparable pour réduire la volatilité (à la baisse bien sûr) de leurs revenus : il suffit de les fixer soi-même. Pas bête. L'opposition risquophiles vs risquophobes chère au MEDEF prend tout à coup un sens très différent.
Mis en ligne par Emmanuel à 13:42 | Lien permanent |