30 décembre 2004

Risque d'épidémies : mythe ou réalité? 

J'avais été assez surpris, et troublé, d'entendre Rony Brauman expliquer, lundi soir sur Europe 1, que le risque d'épidémies après une catastrophe naturelle est quasiment inexistant. Pour preuve, d'après lui, aucune épidémie significative n'a était observée après une catastrophe naturelle depuis 50 ans.

Pourquoi alors les avertissements systématiques à ce sujet des organisations internationales comme l'OMS et des ONG humanitaires? Parce que, selon Brauman (je paraphrase de mémoire), ces organisations sont considérablement plus expertes dans le traitement des épidémies que dans celui de la gestion des effets des catastrophes naturelles et ont tendance à aborder toute crise en la ramenant à leur coeur de compétence. C'est le syndrome "When you have a hammer, everything looks like a nail".

Je ne suis pas médecin (vous l'aviez remarqué, non?) et très peu au fait des questions humanitaires, Brauman si, et éminemment, mais la catégoricité de son argument m'avait troublé (s'il est vrai qu'aucune épidémie notable n'a suivi une catastrophe naturelle depuis 50 ans, on peut aussi y voir la preuve que les mesures prises par les secours pour les éviter a fonctionné). Trouble accentué par la déferlante de nouvelles relayant le pronostic de l'OMS pour qui les épidémies pourraient doubler le nombre total de victimes du séisme en Asie. Aujourd'hui, je tombe par hasard sur une note à ce sujet de l'excellent Aaron Radcliffe qui remet bien les choses à leur place :
While it is a myth that all natural disasters invariably lead to infectious disease epidemics, non-optimal pre-existing disease surveillance and disaster preparedness, endemic water-borne diseases, sanitation problems, and the sheer magnitude and destructiveness of this particular disaster make the prospect of post-event disease outbreaks a real concern.

In this regard, it is worth bearing in mind another myth - that the bodies of the dead in natural disasters are inevitable bearers of pestilence. This is untrue, and overly frantic efforts to mass-dispose bodies (too often without identification or even enumeration in a census of the dead), not only does not benefit the public health, but is a source of psychological distress to surviving family members and relatives. There is some indication from the news reports that a frantic rush to mass-incinerate or bury the dead is unfortunately underway in some of the countries affected by the tsunami disaster. This also distracts attention and resources from the real dangers to the survivors - inadequate aid infrastructure and disease-outbreak control.

I should think the worrisome spots in the present crisis are not so much those in India and Thailand, both countries with relatively good resources and an ability to actually get to where the affected people are in most cases. The worrisome spots are Sri Lanka and Aceh - both torn by civil war, both home to so much destruction that there is real physical difficulty in getting to the affected areas, and both hampered by pre-existing political, bureaucratic, and even geographical realities that will hamper aid efforts.
Je note qu'il y a un vrai débat dans la communauté scientifique sur ces questions, et l'OMS semble effectivement tenir souvent un discours très (trop) alarmiste. Voir par exemple, dans Le Monde, le contraste entre les déclarations d'un haut responsable de l'organisation et les propres analyses de l'OMS sur les précédents historiques. Je continue à trouver les déclarations de Brauman trop catégoriques (d'ailleurs, son argument historique est faux), mais sa position est beaucoup plus défendable qu'il n'apparaît au premier abord - même si j'aimerais bien voir un début d'explication des raisons du paradoxe.