12 janvier 2005

SOS Constitution maltraitée 

Me trompe-je ou tout le monde se moque éperdument du scandaleux coup fourré que nous a concocté notre gouvernement par le truchement de la révision constitutionnelle préalable à la ratification de la constitution européenne?

J'ose espérer qu'il s'agit là d'un défaut d'information (il faut dire que nos médias n'en ont guère parlé) ou d'un manque de familiarité avec les subtilités du droit constitutionnel. Dans les deux cas, je ne saurais que trop vous recommander d'aller lire l'explication de texte de mon estimé camarade Paxatagore sur Publius. Le meilleur (le pire, en fait) est à la fin.

Comme le notait mon maître en matière constitutionnelle Guy Carcassonne, les révisions constitutionnelles ont souvent été l'occasion pour le Sénat de "prélever sa dîme", en monnayant son soutien à la révision en échange d'un élargissement de ses prérogatives. Ainsi la loi constitutionnelle du 25 mars 2003 relative à la décentralisation prévoit que "les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales et les projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France sont soumis en premier lieu au Sénat".

Cette fois-ci, ce sont les députés UMP qui exigent du gouvernement, contre leur approbation à la constitution européenne, l'inscription dans la Constitution que tout élargissement futur de l'Union européenne devra être soumis à référendum. Evidemment pour s'assurer qu'il y aura bien un référendum concernant la Turquie, quand (si?) Chirac ne sera plus à l'Elysée pour honorer sa promesse (ou même s'il y est encore : on connaît la valeur des promesses chiraquiennes).

Mais cette manoeuvre de basse politique se fait au prix d'un dévoiement certain de la conception française du référendum (dont la convocation est jusqu'à présent laissée à la libre appréciation du président de la République, soit positivement avec l'article 11, soit négativement avec l'article 89) et d'une monstruosité juridique assez exceptionnelle, pour permettre à la Roumanie, la Bulgarie et la Croatie d'échapper à l'épreuve du référendum français obligatoire. Il n'est pas interdit de s'en offusquer.