10 février 2005
Et si. Car le rapport du Sénat sur le projet de loi constitutionnelle visant à permettre la ratification de la constitution européenne a été mis en ligne aujourd'hui. Et que le rapporteur n'est autre qu'un certain Patrice Gélard, le même qui veut offrir une place de sénateur à vie aux anciens président de la République. Au moins, le rapport est bien foutu, ce qui explique peut-être pourquoi la proposition de loi constitutionnelle visant à éviter les gardes à vue à Chirac était aussi bâclée.
En particulier, le texte apporte une voie de sortie originale à la terrifiante perspective d'un référendum sur l'adhésion du Liechtenstein (et rend juridiquement superflue ma solution miracle, exposée dans la note précédente) :
L'obligation de soumettre au référendum les nouveaux élargissements de l'Union européenne, censée s'appliquer quel que soit le devenir du traité établissant une Constitution pour l'Europe, ne serait pas absolue. [...]Autre point intéressant : la polémique sur l'article 4 (celui qui exclue Bulgarie, Roumanie et Croatie du référendum automatique) a rebondi au cours des auditions devant la Commission de loi, un professeur de droit allant même jusqu'à affirmer que cette disposition était "facteur d'insécurité juridique" (ce qui n'a l'air de rien, mais constitue pour un juriste une critique cinglante). Gélard note le caractère pour le moins original de l'article, avant de chercher à lever la difficulté :
[L]'adoption par le Parlement d'une proposition de loi ou d'un amendement autorisant la ratification d'un traité d'adhésion d'un Etat à l'Union européenne demeurerait juridiquement possible, le droit d'initiative législative reconnu aux parlementaires étant garanti par l'article 48 de la Constitution.
[L]a rédaction [de l'article 4] est singulière à un double titre.L'analogie avec les PFRLR est assez malhonnête : ils ne sont certes pas mentionnés directement dans le texte de la Constitution, mais ils le sont indirectement, via le préambule de 1946. Il eut été plus acceptable de dire, comme l'a fait Dominique Rousseau au cours de son audition, que "le pouvoir constituant dispose d'un pouvoir d'appréciation absolu", y compris donc de ne pas faire figurer une disposition constitutionnelle dans le texte de la Constitution.
En premier lieu, les dispositions proposées ne figureraient pas dans le texte même de la Constitution.
Tel est déjà le cas de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du préambule de la Constitution de 1946 mais la Constitution du 4 octobre 1958 y fait référence dans son préambule. De même, la charte de l'environnement pourrait, à l'avenir, ne pas figurer dans le texte même de la Constitution mais il y serait également fait référence dans son préambule.
La difficulté tient donc au fait que les conditions d'application de l'article 88-5 puis, à compter de l'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe, de l'article 88-7 de la Constitution dépendraient d'un texte auquel aucun de ces deux articles ne ferait référence.
Cette difficulté n'est pas dirimante. Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République dégagés par le Conseil constitutionnel constituent des normes qui ont elles aussi valeur constitutionnelle et ne figurent pas non plus dans le texte de la loi fondamentale. Surtout, les dispositions proposées revêtent un caractère transitoire : elles ne trouveraient plus à s'appliquer à compter de l'adhésion à l'Union européenne des trois Etats concernés.
D'autant que le président de la commission des lois a trouvé une réplique définitive à ceux qui voudraient réintégrer les dipositions de l'article 4 dans le texte constitutionnel : cet article est tellement mal rédigé et problématique juridiquement qu'il vaut bien mieux qu'il n'y figure pas! Et je ne suis même pas sûr que ce soit du second degré...
Mis en ligne par Emmanuel à 18:23 | Lien permanent |