15 mars 2005

Au secours, Trichet revient! 

Visiblement, Jean-Claude Trichet n'est pas d'accord avec Alexandre Delaigue concernant l'impact économique des déficits :
Si une nouvelle mouture du pacte devait ouvrir la porte à davantage de laxisme budgétaire, cela "constituerait un poids pour la politique monétaire", ferait certainement "grimper les taux d'intérêt sur les marchés" des capitaux tout en "menaçant la confiance économique", les ménages se mettant à anticiper des hausses d'impôts pour combler les déficits, a ajouté M. Trichet.

De même, le président de la BCE a mis en garde contre une réaction des marchés financiers et du taux de change de l'euro, peu affectés jusqu'ici par le creusement des déficit de la plupart des Etats de l'Union européenne et par le débat sur un assouplissement de l'intrument budgétaire qui limite à 3% du PIB par an les déficits publics.

"Les marchés peuvent accumuler les tensions et ensuite les exprimer", a averti M. Trichet.
Les pourfendeurs des déficits publics se sont longtemps partagés entre défenseurs de l'hypothèse de l'effet d'éviction de l'emprunt public (l'épargne est constante, donc la demande de fonds de l'Etat augmente, ceteris paribus, les taux d'intérêts) et les partisans de la thèse de l'équivalence ricardienne (les ménages anticipent le remboursement futur, par l'augmentation de l'impôt, de l'emprunt public actuel, donc ils augmentent d'autant leur épargne : les taux d'intérêts restent inchangés mais le déficit ne produit aucune relance conjoncturelle). Notons que, dans les modèles théoriques basiques, c'est l'un ou l'autre : soit le déficit est inopérant (lignée Ricardo-Barro), soit il permet une augmentation de la demande mais au prix d'une augmentation des taux d'intérêt. Jean-Claude Trichet défend les deux en même temps, ce qui est assez ridicule une synthèse admirable et convaincante.

A propos, qu'en pensent les marchés? Je n'ai pas de marché sous la main pour le lui demander directement, mais Eric Chaney de Morgan Stanley est un bon substitut :
I believe that the demands made by big countries are economically dangerous for the Union and are not even in their own interests. On the other hand, rigid intransigence by defenders of fiscal purity would also prove counter-productive, because a non agreement would force the EU to keep the original (but inapplicable) Stability Pact without being able to implement it, in accordance with the ruling of the European Court of Justice.
L'attitude de Trichet est vraiment malvenue (et crétine, et psycho-rigide). Au-delà d'une réforme souhaitable du pacte (mais pas dans le sens germano-français), on gagnerait beaucoup à reconnaître (voir Philippe Martin dans Libé ce matin et, surtout, les travaux de Charles Wyplosz à ce sujet) que la discipline budgétaire, si elle est désirable, ne se fera pas sur injonction de Bruxelles. Pas après l'entrée dans l'UE, en tout cas.

Add. : corrigé suite aux remarques pertinentes du sieur Belgodère. Ca m'apprendra (jusqu'à demain) à vouloir coincer un banquier central sur de la théorie économique.