08 mars 2005

Feuilles volantes 

Ca devrait être évident pour tout le monde, mais apparemment certains commentateurs (une journaliste sur Europe 1 ce matin, Tilinac ce soir sur RTL) s'acharnent à relier l'histoire de la mystérieuse disparition des dossiers fiscaux et les révélations sur le logement de Gaymard. Alors qu'il s'agit de déclarations fiscales pour 2003, que les feuilles d'impôt pour l'année 2004 n'ont pas encore été renvoyées par les contribuables, que ces documents ne comprennent pas d'indications sur le montant des loyers et que, bien sûr, Gaymard n'occupait son logement de la rue Jean-Goujon que depuis janvier 2005.

La phrase employée par Le Monde à ce sujet est d'ailleurs assez surréaliste :
Une déclaration de revenus, qui plus est portant sur l'année 2003, ne donne toutefois pas d'indication sur le logement de fonction en 2005 ou sur l'état du patrimoine.
Bon, cela ne fait pas de mal de le préciser. Ce qui est moins évident et plus intéressant, en fait, est la chute de l'article :
A Matignon, on minimise l'affaire, en assurant que "ces dossiers sont consultables en mairie, si les contribuables le souhaitent"...
Mais est-ce si simple? Le site de la CADA (Commission d'Accès aux Documents Administratifs) indique que chacun peut demander communication de :
La liste des personnes assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés par commune, qui doit être tenue à la disposition des contribuables de la circonscription par la direction des services fiscaux, en application de l'article L.111 du Livre des procédures fiscales, sans pouvoir toutefois faire l'objet d'une publication ou d'une diffusion par un autre moyen.
L'article L. 111 précise les conditions d'établissement de cette liste :
Une liste des personnes assujetties à l'impôt sur le revenu, ou à l'impôt sur les sociétés est dressée de manière à distinguer les deux impôts par commune pour les impositions établies dans son ressort.
Cette liste est complétée par l'indication des personnes physiques ou morales non assujetties dans la commune à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés mais y possédant une résidence.
La liste est tenue par la direction des services fiscaux à la disposition des contribuables qui relèvent de sa compétence territoriale. L'administration peut en prescrire l'affichage. [...]
La liste concernant l'impôt sur le revenu est complétée, dans les conditions fixées par décret, par l'indication du nombre de parts retenu pour l'application du quotient familial, du revenu imposable et du montant de l'impôt mis à la charge de chaque redevable.
Voilà ce que dit le décret en question (article R 111-1 du Livre des procédures fiscales) :
La liste des personnes assujetties à l'impôt sur le revenu, établie en application du I de l'article L. 111, comprend les impositions mises en recouvrement au 30 avril de l'année suivant celle de la production des déclarations de revenus.
Elle comporte, pour chaque contribuable, les indications suivantes :
a) Son nom, la première lettre de son prénom et son adresse ;
b) Le nombre de parts correspondant à sa situation et à ses charges de famille ;
c) Le revenu imposable ;
d) Le montant de l'impôt mis à sa charge, défini par l'article R. 111-2 ;
e) abrogé [NDCP : il s'agissait du montant de l'avoir fiscal, supprimé en 2004]
Résumons : si je comprends bien, chaque contribuable peut consulter, sur une base territoriale (le ressort de chaque direction des services fiscaux), la liste des contribuables assujetis à l'impôt sur le revenu, cette liste comprenant des informations limitées au nom, au nombre de parts, au revenu imposable et à l'impôt payé. C'est toujours bon à savoir. Mais on est loin du "dossier fiscal" évoqué par la sources matignonesques. D'autant que la liste est consultable au "siège de la direction des services fiscaux" (article R 111-3) , et pas "en mairie".

Add. (09/03) : évidemment, on se demande bien pourquoi on garderait les dossiers fiscaux des personnalités "sensibles" dans des coffres si tout contribuable peut les consulter en se rendant à sa mairie. C'est vraiment un cas où les journalistes seraient fondés à dévoiler leur source : le témoignage sous couvert d'anonymat (qui est différent du "off") est utile, mais il sert trop souvent aux sources institutionnelles à faire passer des arguments fallacieux en toute impunité.