12 avril 2005

Quel taquin, ce Goujon! 

Bien caché au milieu d'une dépêche à propos du passage de Chirac jeudi sur TF1 (et de la polémique afférente), une déclaration inattendue du sénateur UMP Philippe Goujon (je grasse) :
"Le duel Mitterrand-Séguin pour Maastricht avait été tout sauf une référence audiovisuelle grandiose", selon le président de la fédération UMP de Paris. Selon lui, "ce qui ennuie les partisans du non, c'est qu'elle [l'émission de Chirac avec les djeunz] risque d'attirer plus d'audience".
Voilà qui est étrange : le débat Mitterrand-Séguin, en direct du grand amphithéâtre de la Sorbonne, le 3 septembre 1992, est généralement considéré comme un grand moment de télévision politique. Et comme une réussite d'audience exceptionnelle : ce n'est pas tous les jours qu'on parvient à réunir 20 millions de téléspectateurs devant une émission politique.

On peut évidemment se demander si le duel avait été loyal, tant Séguin avait retenu ses coups par déférence envers le président de la République, président affaibli par la maladie qui plus est (tout le monde connaît, je suppose, l'anecdote de la piqûre de morphine dans les coulisses, pendant la pause de publicité). Ou si l'impact qu'il a eu sur le résultat final du référendum a été aussi décisif qu'on veut bien le dire.

Mais considérer que c'était un piètre moment de télévision? Bigre, voilà un argument que je n'avais jamais entendu. D'ailleurs, les souvenirs de Guillaume Durand, qui animait le débat, résument bien le consensus à propos de ce moment de politique française (et révèlent au passage que son impartialité était, au mieux, douteuse) :
En tant qu'animateur quels sont vos meilleurs souvenirs de télévision ?

Incontestablement François Mitterrand à la Sorbonne en septembre 92. Tous les ingrédients étaient réunis : le suspense, Mitterrand, les soins qui lui ont été donnés en plein milieu de l'émission -ce que j'ignorais totalement -, Séguin sortant de sa loge qui découvre qu'on soigne Mitterrand et qui du coup est aimable avec le président alors qu'on ne s'y attendait pas. Si jamais le oui ne l'emportait pas au référendum j'étais pendu le lendemain de l'émission ou une semaine après, une pression monumentale !
On me dira que Goujon cherche juste à défendre Chirac, quitte à employer des arguments franchement risibles. Peut-être. Mais l'homme est solidement balladurien. Donc pas forcément enclin à se faire le porteur d'eau du clan chiraquien.

A qui se fier? J'avais regardé l'émission, en septembre 1992. Mes vagues souvenirs me renvoient l'écho d'un cadre prestigieux et solennel, d'un Séguin combatif mais courtois et d'un Mitterrand souverain, qui avait lâché deux ou trois répliques vraiment dévastatrices. Et cette impression si particulière de voir l'Histoire s'écrire en direct.

Cela dit, j'étais jeune, innocent et facilement impressionnable à l'époque. Et il est possible que mon souvenir soit brouillé par les commentaires positifs ultérieurs. Faute de pouvoir revoir facilement le débat, je me tourne donc vers mes lecteurs, ceux qui avaient regardé le duel à la Sorbonne en tout cas : était-ce vraiment aussi bien que je me le rappelle?