24 mai 2005

Allemagne : l'été sera chaud 

Il est évident, comme le rappelait l'éditorial du Monde d'hier et Olivier Duhamel ce matin sur France Culture, que la décision de Gehard Schröder de convoquer des élections législatives anticipées ne manque pas d'un certain panache. Et qu'elle appelle immédiatement des comparaisons peu flatteuses avec l'attitude de notre président bien-aimé, dont l'idée de la responsabilité politique après un désaveu populaire semble se limiter au fait d'aller donner une représentation à la télé sur l'air du "je vous ai compris".

Il faut dire que la la claque subie par le SPD dans le Nordrhein-Westfalen était particulièrement sévère. Non seulement parce que le Land est le plus peuplé d'Allemagne et un bastion historique du parti social-démocrate allemand (le ministre actuel de l'économie et du travail, Wolfgang Clement, en était le ministre-président de 1998-2002).

Mais aussi parce que la défaite de Peer Steinbrück signe la fin du modèle du gouvernement rouge-vert dans les Länder allemands : les Verts ne sont plus au pouvoir nul part, sauf au gouvernement fédéral; le SPD reste aux responsabilités ailleurs, mais avec les communistes du PDS, en "grande coalition" avec la CDU ou avec les libéraux du FDP.

Et surtout parce que, la semaine dernière, les militants du SPD s'étaient remis à croire à une victoire au finish : le dernier débat avait plutôt tourné à l'avantage du candidat social-démocrate et les sondeurs disaient constater un resserrement rapide de l'écart dans les sondages. Dimanche, une participation plus forte qu'en 2000 avait laissé fait croire à un sursaut des électeurs de gauche. Patatras : la CDU l'a emporté avec 7 points d'avance. Soit exactement la marge que tous les sondages prévoyaient depuis le début de la campagne.

Est-ce que la décision de Schröder était néanmoins judicieuse? Si le but était de surprendre tout le monde, y compris son propre parti, la réussite est totale : l'atmosphère qui régnait au siège du SPD à Berlin après l'annonce des élections anticipées ressemblait, en tout cas pour le choc de la décision, à celle du QG de Jospin le 21 avril 2002. Si l'objectif était d'animer un peu la vie politique allemande, le succès est pareillement flagrant : la déflagration de dimanche soir a été suivi d'une jolie réplique aujourd'hui avec le coup d'éclat d'Oskar Lafontaine, qui quitte enfin le SPD pour tenter de devenir le leader de la gauche alternative.

Mais l'annonce surprise de nouvelles élections cherchait aussi à prendre l'opposition de cours et à déclencher une guerre des chefs à droite. Sur ce point, on ne peut pas dire que la CDU/CSU soit tombée dans le panneau : tout le monde s'est déjà rapidement rangé, de plus ou moins bonne grâce certes, derrière Angela Merkel. Et les journaux en sont déjà à spéculer sur la composition de la prochaine coalition noire-jaune (c'est-à-dire CDU/FDP).

Comme toujours, il faudra attendre les résultats des élections en septembre pour savoir si cette "dissolution" aura été un coup de génie tactique ou une balle dans le pied façon Chirac 1997. Les carottes ne sont pas forcément totalement cuites pour le SPD : il faut se rappeler que la position de Schröder était aussi très précaire en 2002, et que le chancellier avait réussi à renverser in extremis la tendance en fin de campagne. On ne peut pas dire non plus, comme le note Doug Merril d'AFOE, que le charisme d'Angela Merkel soit son atout principal. Il n'est donc pas inderdit de penser que le miracle soit encore possible pour Schröder et Fischer. Mais il faudrait un miracle.