27 mai 2005
Déniché par Paxatagore, repris par Hantoîne Belgaudaire, le sondage sur les valeurs des Européens commandé par la Fondation Jean Jaurès (pdf) contient des résultats surprenants. Par exemple à propos du degré d'adhésion des sondés à l'affirmation "On devrait attacher plus d'importance au travail qu'au temps libre" : 64% des Français et 68% des Allemands disent qu'une telle phrase correspond "beaucoup" ou "un peu" à ce qu'ils pensent.
La France et l'Allemagne étant deux pays en pointe en terme de réduction du temps de travail, on peut se demander si ce sondage ne confirme pas la thèse selon laquelle leurs habitants souhaiteraient travailler plus mais en sont empêchés par l'excessive réglementation du marché de l'emploi. A l'inverse, on remarque avec une certaine surprise que seulement 45% contre 52%) des Britanniques sont d'accord plus placer le travail avant le temps libre. Peut-on en conclure qu'il existe un niveau idéal de temps de travail annuel, niveau au-dessous duquel se situeraient la France et l'Allemagne, le Royaume-Uni se situant légèrement au-dessus?
Comme il n'y a pas de question difficile à laquelle on ne peut pas répondre de manière simpliste avec une régression linéaire, j'ai pris les dernières données de temps de travail annuel (2003) par travailleur fournis par l'OCDE, calculé les soldes de oui par rapport au non à la question "valeur travail" du sondage commandé par la FJJ et obtenu le nuage de points suivants :
Magnifique! Un r2 supérieur à 0,5 et une claire tendance à l'élévation de l'envie de travail à mesure que le temps de travail annuel diminue (et réciproquement). Sauf que j'ai triché. Oui, je l'avoue : j'ai retiré les 3 pays en P (Pays-Bas, Pologne, Portugal) qui ne cadraient pas avec l'hypothèse de départ. En fait, si l'on prend l'échantillon des 10 pays, on trouve ça :
Le r2 est devenu totalement insignifiant. On pourrait dire que c'est normal, qu'il faudrait des données corrigés du PIB par habitant pour avoir une meilleure idée. Mais, en dépit des efforts déployés par Antoine pour m'instruire, je suis incapable d'aller beaucoup plus loin que la régression linéaire bas de gamme, donc je m'en tiens à la conclusion suivante : le temps de travail annuel n'a aucune influence sur la "valeur travail" telle qu'elle est mesurée dans le sondage de la FJJ.
Est-ce que les différences de préférence pour le travail par rapport au loisir s'expliqueraient alors par les différences de taux de chômage en Europe? Vérifions, en allant chercher sur le site de l'OCDE les derniers taux de chômage harmonisés (en pdf - j'ai pris comme données le chiffre moyen sur 2004) pour les 10 pays de l'échantillon :
La corrélation semble déjà plus concluante. On arrive d'ailleurs à pousser un peu plus haut (0,5) le r2 en prenant une fonction exponentielle, qui répondrait à l'hypothèse plausible que la valeur accordée au travail par rapport au loisir est plus que proportionnelle au taux de chômage.
Pour devancer l'objection que je sens poindre, et que les données permettent aussi de chercher une corrélation entre temps de travail annuel et taux de chômage, il serait dommage de ne pas vérifier :
Et oui. Le chômage tend à s'élever avec le temps de travail annuel! Le r2 est de toute façon assez peu significatif et il est évident que l'exclusion de la Pologne donnerait des résultats sans doute assez différents. Il serait intéressant de reprendre l'exercice sur l'ensemble de l'échantillon {pays de l'OCDE} : mais la relation entre faible temps de travail et taux de chômage élevé m'a toujours paru très douteuse, au vu des cas des pays scandinaves (hors Finlande) et des Pays-Bas.
Mis en ligne par Emmanuel à 16:31 | Lien permanent |