06 mai 2005

A night a the (election) races 

Finalement, la nuit s'est mieux terminée qu'elle n'avait commencé : les Lib Dems ont bel et bien progressé en nombre des sièges et dépassé le score du parti libéral de 1929.

Et la majorité travailliste est suffisamment large pour permettre de gouverner, et suffisamment réduite pour envoyer un sérieux avertissement à Tony Blair. Evidemment, j'ai souffert à chaque fois qu'une circonscription basculait du Labour aux Tories, mais on ne peut pas vouloir tout (un demi-désaveu pour Blair) et son contraire (un parti conservateur en baisse en nombre de sièges).


Source : The Guardian

Il semble que l'analyse à la mode soit de dire que les 3 principaux partis ont tous des raisons d'être satisfait et décu à la fois. Tout le monde a perdu, en somme. Sauf, évidemment, que le système électoral britannique offre au parti arrivé en tête un joli cadeau pour faire passer la pilule. Les chiffres cités par le blog du Guardian sont éloquents (je grasse) :

Perhaps the clearest illustration of the underlying logic of the current voting system is in the number of votes it takes to elect each party’s MPs. On last night’s results a Labour MP only needed 26,858 votes to get elected, compared with 44,241 votes for a Tory MP, and a staggering 98,484 for each Liberal Democrat MP.

In other words 353 Labour MPs were elected on 9.48m votes, 196 Conservatives on 8.67m votes and 60 Liberal Democrats with 5.9m votes.

Peut-être est-ce le moment pour le Royaume-Uni de passer à un système mixte à l'allemande?

Comme d'habitude, je m'autorise quelques futiles remarques en vrac sur des choses vues et entendues au cours de cette longue nuit passée à regarder la BBC (mes première élections britanniques en direct) :
  • L'annonce ritualisée des résultats à la britannique, tout les candidats sur un podium, face au public et derrière un "retourning officer" qui annonce les scores de chacun, a une classe indéniable. Les candidats se succèdent ensuite au micro pour des discours qui mêlent remerciements et considérations plus politiques : la déclaration de Reg Keys, le père d'un soldat tué en Irak, qui s'était présenté à Sedgefield face à Tony Blair, était assez déchirante. Le premier ministre se trouvait, comme il se doit, encore sur le podium, essayant de rester impassible, malgré la force des attaques et les dizaines de caméras braquées sur lui.
  • La présence de candidats du Official Monster Raving Loony Party (dont le programme vaut le détour) sur le podium est un plus indéniable. D'abord parce qu'ils portent en général des noms absurdes et des accoutrements ridicules. Et aussi parce que le candidat du OMRLP fait tout pour se faire remarquer sur le podium. Le Financial Times rapporte que RU Serious (sic), le candidat à Erewash, tenait une pancarte où était inscrit "dites non aux pancartes absurdes". Dans la circonscription de Michael Howard, le représentant des Raving Loonies ponctuait les annonces de résultats d'un "yeah" sonore, en se précipitant pour aller féliciter les autres candidats. Je veux la même chose en France!
  • Est-ce seulement une impression ou la proportion d'Indiens et de Pakistanais (plus exactement, de sujets de sa Majesté d'origine indienne ou pakistanaise) parmi les "returning officers" est-elle beaucoup plus élevée que leur poids démographique dans la population britannique?

  • A rebours de toutes les tendances nationales, le Labour a conservé sans problème le siège de Dorset South, qui semblait pourtant très menacé dans la mesure où l'avance du candidat travailliste n'était que de 153 voix en 2001. Il faut dire que le candidat conservateur s'était fait prendre en flagrant délit de photomontage au début de la campagne : une image où il participait à une manifestation contre l'expulsion d'un réfugié avait été retouchée pour mieux correspondre au message anti-immigration des conservateurs. Il ne s'est donc pas relevé de ce scandale, preuve qu'il y a quand même, parfois, une justice.
  • La victoire de George Galloway (qu'il est quand même absurde de qualifier de candidat islamiste, ou de pro-Saddam) dans la circonscription est une mauvaise nouvelle. Son discours après l'annonce des résultats était à son image : populiste, désobligeant et aggressif. Cela dit, je ne pense pas que la méthode Paxman soit la meilleure pour tenter de le contrer. Puisque qu'on est dans la catégorie "dangereux démagogues", Ian Paisley vient de se faire réélir, sans surprise et avec un score en hausse, dans son fief de North Antrim.
  • Il s'est passé des choses intéressantes au Pays de Galles, au-delà des toujours pittoresques annonces des résultats en gaélique : les conservateurs emportent trois sièges dans une région où ils n'avaient aucun MP depuis 1997; une circonscription tenue par le Plaid Cymru (parti nationaliste et socialiste gallois, dont j'ai encore oublié comment on prononçait le nom) bascule de façon complètement inattendue dans le camp des Lib-Dems; et une candidate travailliste parachutée se fait laminer par un indépendant, porte-parole de la révolte populaire contre les décisions d'en haut.
  • Je ne comprends toujours pas pourquoi l'annonce des résultat prend un temps aussi divergent en fonction des circonscriptions : le premier résultat était connu dès avant 23 heures (heure anglaise), et il fallait attendre entre 1 heures et 5 heures du matin pour la grande majorité du reste (et encore plus tard pour une petite minorité). Alors que le volume de bulletins à dépouiller ne varie pas énormément selon les circonscriptions et que la fermeture des bureaux se fait partout à la même heure. Est-ce que la superficie des circonscriptions, et donc le temps nécessaire pour rassembler les bulletins (il me semble que le dépouillement doit se faire dans un lieu unique) est le seul facteur qui entre en compte?
NB : François Brutsch revient aussi, de façon plus ordonnée, sur le sens qu'on peut donner aux résultats. Sans doute parce que je suis plus en phase avec les "chattering classes" qui lisent le Guardian et votent Lib Dems, je trouve assez peu convaincante sa remarque sur le côté non-populiste de la campagne de Michael Howard. Au contraire il me semble que, incapables de proposer une véritable alternative économique au blairisme, les conservateurs ont quasiment tout misé sur l'immigration et l'insécurité, en utilisant des slogans douteux ("Are you thinking what we're thinking?"), des spots publicitaires où le parallèle entre immigration et invasion était plus que subliminal et des tactiques électorales franchement méprisables (cf le coup des photos falsifiées ci-dessus). Le fait que Chirac ait à son palmarès des dérapages encore moins contrôlés n'excuse rien.