09 mai 2005

Suicidal tendencies 

Il était beaucoup question, dans les années 1990, et en particulier après 1997, de "la droite la plus bête du monde". Phrase cruelle en général colportée par des hommes politiques de droite eux-mêmes, ce qui montre leur sens aigu du marketing politique et un certain masochisme que les Verts ont depuis longtemps élevé au rang d'art de vivre en commun.

On pouvait quand même se demander pourquoi, puisqu'elle était consciente de ses erreurs, la droite française s'obstinait à être plus idiote que toutes ses homologues étrangères (ce qui n'est pas rien). Je crois qu'on a désormais une réponse convaincante : les électeurs de droite ont les dirigeants qu'ils méritent. C'est ce que semble prouver, en tout cas, un sondage BVA pour Libération :
Les disparités entre les différentes sensibilités politiques sont fortes puisque les sympathisants de gauche sont 56% à demander le départ de Jean-Pierre Raffarin quel que soit le résultat du référendum alors que 64% des sympathisants de la droite parlementaire souhaitent son maintien à la tête du gouvernement.
Il est toujours dangereux de mélanger les résultats de deux sondages différents, mais la combinaison de ce résultat avec celui du dernier baromètre Sofres (qui montrait que 75% des sondés ne font plutôt pas ou pas du tout confiance à Jean-Pierre Raffarin) conduit inévitablement à une conclusion surprenante. Soit les sympathisants de la droite parlementaire ne représentent plus qu'un quart de l'électorat, ce qui semble quand même peu probable. Soit il y a une portion non-négligeable d'électeurs de droite qui ne font plutôt pas ou pas du tout confiance à Raffarin mais souhaitent néanmoins qu'il reste Premier ministre, même dans le cas où le "non" l'emporterait le 29 mai.

Bien sûr, et si l'on décide de passer outre les problèmes méthodologiques, on pourrait mettre cette incohérence sur le compte de juppéistes qui préférent encore Raffarin à une accession de Sarko à Matignon. Ou encore de sarkozystes qui redoutent que la nomination de Villepin rue de Varennes ne l'installe définitivement parmi les prétendants à l'investiture de l'UMP pour 2007. Ou, plus simplement, sur le fait que présumer la rationalité des électeurs est une hypothèse quelque peu hardie, au vu de ce que nous apprend la science politique à ce sujet.

NB : précision que le sondage BVA a été réalisé les 3 et 4 mai dernier, donc avant l'annonce de l'hospitalisation de Raffarin. Le facteur "sympathie spontanée" ne joue donc pas ici.

Add. (11/05) : hum. Mes petits calculs rapides sont, en plus d'être méthodologiquement douteux, numériquement faux. 22% des électeurs font plutôt ou tout à fait confiance à Jean-Pierre Raffarin selon le baromètre TNS-Sofres. Supposons, pour simplifier beaucoup, que ces 22% soient tous des sympathisants de la droite parlementaire. Supposons ensuite, toujours en simplifiant, que ces 22% se retrouvent dans le sondage BVA, sous la forme des 64% qui souhaitent le maintien de Raffarin à Matignon. Ce qui nous placerait une droite parlementaire à 34% (22/0,64), un niveau qui semble déjà plus plausible.