14 mai 2005

Trois version d'un "non" nu 

On sait maintenant que l'homme qui a fait un quasi-Full Monty pour le "non" dans l'hémicycle du Sénat avait bien et longuement préparé son coup. Mais une question absolument essentielle demeure : comment les scribes de la Haute assemblée ont-ils retranscrit l'incident?

Les services du Senat -comme ceux de l'Assemblée nationale- préparent trois types de compte-rendu : une version "sommaire", peu détaillée mais disponible rapidement; une "analytique" plus complète et publiée le lendemain de la séance; et une derniere "intégrale", presque comme la nudité de notre ami nonien, qui est disponible 48 heures après les débats et est subséquemment publié au Journal Officiel.

Assez logiquement, le compte rendu sommaire de la séance de jeudi était plutôt chiche en détails :

M. le PRÉSIDENT -

Terminez.

M. le MINISTRE DÉLÉGUÉ -

La dernière ligne droite mène à Cadarache. (Applaudissements)

(Un homme saute de la tribune du public. Les huissiers s'en saisissent et le portent hors de l'hémicycle)

M. le PRÉSIDENT -

La séance se poursuit. (Brouhaha) Silence !

Heureusement, le compte-rendu analytique va un peu plus loin dans les détails :
M. LE PRÉSIDENT. – Terminez !

M. D'AUBERT, ministre délégué. – Nous sommes donc confiants. Je considère, comme le Président de la République et le Premier ministre, que nous sommes dans la dernière ligne droite, qui nous mènera directement à Cadarache. (Applaudissements à droite et au centre.)

(À cet instant un homme saute de la tribune du public, et exhibe les inscriptions qui figurent sur son corps. Les huissiers l'expulsent de l'hémicycle. Surprise et brouhaha prolongés sur tous les bancs.)

M. LE PRÉSIDENT. – La séance continue !

On s'attendait à ce que le compte rendu intégral soit encore plus détaillé, avec la mention obligatoire du string tricolore et la recension exhaustive des inscriptions figurant sur le corps de l'intrus. Grosse déception :
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. François d'Aubert, ministre délégué. Je conclus, monsieur le président, sur une bonne nouvelle : comme le Président de la République et le Premier ministre, je considère que tout indique que cette dernière ligne droite mènera directement à Cadarache ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Robert Bret.

(A cet instant, un homme saute de la tribune du public ; les huissiers s'en saisissent et l'expulsent.- Exclamations de surprise et brouhaha prolongé sur l'ensemble des travées.)

M. le président. La séance se poursuit, mes chers collègues, et nous écoutons M. Robert Bret dans le silence qui convient.

Ah, la pudeur parlementaire... Il faut se rappeler que la fameuse et franchement osée contrepèterie que s'était permise Dominique Strauss-Kahn au Sénat lors de la crise financière asiatique de l'automne 1997 avait été retranscrite ainsi : "Je dois dire que le cas de la Corée me préoccupe".