01 juillet 2005

La justice à la chaîne 

Intéressant et nuancé dossier du Monde à propos des "délocalisations" des tribunaux pour étrangers à proximité des zones de transit : à l'aéroport de Roissy, dans un bunker près du terminal TGV de Coquelles. Il y a dans cette tendance une volonté évidemment légitime de réduire les coûts associés au transfert des étrangers des centres de rétention administraive jusqu'aux tribunaux de grande instance. Et -disent les policiers- éviter aux étrangers l'humiliation des menottes et des trajets matinaux, en panier à salade, depuis leur centre de rdétention jusqu'au tribunal d'instance le plus proche.

Mais l'impression qui se dégage du système est aussi celui d'une justice devenue complètement inhumaine : étranger arrêté à peine sa descente d'avion à l'aéroport; enfermé dans un CRA situé dans l'aéroport; jugé rapidement dans une salle de l'aéroport spécialement aménagé -dans les locaux de la Police de l'air et des frontières!- pour que les audiences puissent s'y tenir; et le plus souvent renvoyé dans son pays, dans un charter qui décolle du même aéroport. L'ensemble des opérations de la chaîne policière et judiciaire se fait dans le même lieu.

Parce que le but est de faire du chiffre : augmenter le nombre annuel d'étrangers reconduits à la frontière, pour que Sarkozy puisse faire mieux que Villepin sur le sujet. Noble visée qui justifie l'augmentation du nombre de places en CRA, et le discours déshumanisant des hauts fonctionnaires de la place Beauvau :
"l'objectif est d'accroître la capacité quantitative des centres tout en étant irréprochable sur la qualité de leur accueil pour pouvoir légitimer un objectif quantitatif d'éloignement", justifie-t-on au ministère de l'intérieur.
Et puis il y a ça :
Les personnes étrangères placées en rétention et sollicitant l'asile devront désormais rémunérer elles-mêmes l'interprète dont elles ont besoin pour rédiger leur demande et remplir le formulaire de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) en français.
La France, patrie des droits de l'homme, Mesdames et Messieurs. Bienvenue dans un pays sarkozyste. La fête ne fait que commencer.