28 juillet 2005

Un casse-tête économique 

En fouinant sur le remarquable site du Bureau of Labor Statistics américain (oui, j'ai des passe-temps passionnants), je suis tombé sur un graphique qui m'a laissé plus que perplexe et que je n'arrive toujours pas bien à expliquer. Il représente l'évolution du salaire ("earnings") hebdomadaire moyen dans le secteur privé aux Etats-Unis de 1964 à 2005. Evolution qui est absolument stupéfiante.




Oui, vous avez bien lu : le salaire hebdomadaire moyen aux Etats-Unis est aujourd'hui sensiblement (10% environ) moins élevé qu'il y a 40 ans. Et vlan, dans la gueule des vilains libéraux qui nous assurent tous les jours que l'économie américaine est la huitième merveille du monde. Sauf que. Les chiffres de la comptabilité nationale devraient logiquement corroborer cet appauvrissement des Américains. Et ce n'est pas du tout le cas : les chiffres du Department of Commerce montrent que le revenu disponible moyen par habitant aux Etats-Unis est passé de 11 061 $ en 1964 à 27 281 $ en 2004 (chiffres en dollars de 2000).

Comment réconcilier la baisse du salaire moyen hebdomadaire et la progression régulière du revenu par habitant? J'ai beau retourner le problème dans tous les sens, je n'arrive pas à trouver de solution convaincante. A priori, le nombre de semaines dans l'année n'a pas changé depuis 1964, et je doute que le nombre de semaines travaillées dans l'année soit allé croissante depuis 40 ans. Un élément qui joue à coup sûr est la progression du travail à temps partiel, qui réduit mécaniquement le salaire moyen. Mais l'évolution du salaire moyen horaire permet de neutraliser cet élément et montre un profil comparable (le salaire de 2005 passe certes devant celui de 1964, mais reste largement en deça des niveaux atteints dans les années 1970).




Enfin, la progression du taux d'emploi permet d'expliquer une croissance plus rapide du revenu par habitant que la croissance du salaire moyen. Mais il semble impossible, même sans calcul rapide, que le passage de 56% à 63% du taux d'emploi de 1964 à 2005 soit suffisant pour expliquer une part importante de l'écart.

Faut-il alors en conclure que la majorité de la progression du revenu des Américains provient des dividendes et des plus-values immobilières ou boursières? Ou que la définition des "earnings" rend toute comparaison historique plus que délicate, pour ne pas dire complètement inutile, en raison de la croissance des revenus non directement salariaux des employés (bonus, plans retraites ou santé des entreprises)?

Une précision : les chiffres sur les salaires sont évidemment en dollars constants (de 1982). Je loupe peut-être quelque chose de gros comme une maison, mais pas cet élement-là.