30 septembre 2005

Rules of thumb 

Ce n'est pas tous les jours qu'on lira Brad DeLong défendre Bill Bennett, mais, pour le coup, il est évident que le "moraliste" Bennett n'a pas soutenu qu'il fallait faire avorter toutes les femmes enceintes qui se trouvent être noires pour faire baisser le taux de criminalité (et la casuistique de Media Matters ne change rien à l'argument). L'épisode permet à DeLong d'en déduire un avertissement à portée générale :
Never attempt a reductio ad absurdum argument on talk radio.
C'est un bon conseil, mais ce qui m'intéresse vraiment ici est la liste rituelle des autres avertissements qu'il cite immédiatement après (ma numérotation) :
1. never get involved in a land war in Asia; 2. do not read My Pet Goat when death is on the line; 3. never play poker with a man named 'Doc'; 4. never accept a battle of wits where iocane powder is a factor; 5. never blithely download and install a file from Microsoft without carefully, carefully researching what it will do beforehand; 6. never get involved in an argument over Noam Chomsky; and 7. never post about human genetics on you weblog.
Les trois derniers avertissements sont de DeLong : le sens du 4. est à peu près évident pour tout ceux qui ont déjà approché un PC; les 5. et 6. aussi (les lecteurs du Semi-Daily Journal se rappeleront des polémiques que suscitent toute discussion sur Chomsky et sur le pseudo-scientifique et vraiment raciste ouvrage The Bell Curve), même si on peut se demander s'il est forcément de bon conseil d'éviter tout sujet qui pourrait être controversé.

Le second, aussi de DeLong, est évidemment une référence au livre (dont le titre exact est d'ailleurs The Pet Goat) qu'a continué à lire George Bush aux enfants d'une école de Floride après avoir été averti qu'un second avion venait de percuter le World Trade Center.

Les trois autres sont a priori plus obscures pour le lecteur français, dans la mesure où l'on est en pleine pop-culture américo-américaine. Le 1. provient d'une réplique du cultissime film The Princess Bride (que je n'ai toujours pas vu) :
Vizzini : "You fool! You fell victim to one of the classic blunders. The most famous is never get involved in a land war in Asia, but only slightly less well known is this: 'Never go in against a Sicilian when death is on the line'"
Généralement, la guerre terrestre en Asie est interprétée comme une référence à la guerre du Vietnam, mais on peut aussi trouver d'autres précédents, en particulier l'invasion de l'Afghanistan par l'URSS en 1979 et par les Britanniques en 1839. On peut se demander si l'intervention en Afghanistan de 2001 ne montre pas qu'il est possible de remporter une guerre terrestre en Asie; cela dit, on pourrait rétorquer que les opérations alliées ont largement été de nature aérienne, les combats terrestres étant le plus souvent laissés à des troupes locales. L'expression a en tout cas fait florès, et est devenue un avertissement générique à destination de quelqu'un qui sous-estime gravement la difficulté d'une tâche.

Le troisième avertissement est la version "arroseur arrosé" du premier, dans la mesure où Vizzini, le personnage de The Princess Bride, meurt dans le film après avoir accepté un pari qui le conduit à boire un verre contenant un poison violent (la "iocane powder") :
Finally, the masked man catches up with Vizzini, who is holding Buttercup hostage, and proposes a "battle of the wits to the death". Vizzini must choose between two cups of wine, one of which the man says has been poisoned with iocane powder. After trying to cheat, Vizzini loses the battle of wits and dies: the masked man, having previously developed an immunity to iocane, has poisoned both cups.
C'est le quatrième qui me trouble. Le "Never play poker with a man named Doc" (alternativement, "called Doc") est relativement répandu et en général associé au "Never eat at a place called Mom's" mais je n'arrive à trouver ni une origine précise, ni une explication. C'est sûrement une référence à un film, à un livre ou à un événement historique, mais Google n'est apparemment pas d'une grande aide sur la question. La sagesse de la foule de mes commentateurs parviendra-t-elle à faire mieux que moi?

Add. (04/10) : Sparky propose une explication en commentaires :
Dans un bled texan, un jeune voyou appelé Ed Bailey et un ancien dentiste devenu joueur professionnel, John Henry Holliday, s’affrontaient au poker. Bailey prenant ouvertement certaines libertés avec les règles du jeu, « Doc » Holliday l’avertit qu’il ne supporterai pas longtemps cette attitude. Ed Bailey sorti alors son revolver mais Holliday ne lui laissa pas le temps d’appuyer sur la détente, éventrant proprement son adversaire d’un coup de poignard.
C'est une origine effectivement plausible (voir une version en anglais ici). Cela dit, il est surprenant que Google ne retrouve aucun lien entre le "Never play poker with a man called Doc" et l'anecdote en question.