12 octobre 2005

60 millions de sélectionneurs 

Comme le notait justement hier Sindelaar, LE match n'est pas encore commencé qu'on sent déjà la grande famille du football saliver à l'idée de "se faire" Domenech, de la même manière qu'elle voulait se faire Jacquet en mai 1998 :
Ils aiguisent leurs couteaux. Ils attendent le moment propice pour sonner l'hallali. Ils n‘en peuvent plus de se retenir…

Ils? Les membres de « la grande famille du football », joueurs, entraîneurs, journalistes, supporters et jusqu’au Président de la fédération: tous ceux qui ne peuvent plus supporter le sélectionneur national, Raymond Domenech.

Le souvenir du traitement infligé à Aimé Jacquet alors que celui-ci construisait la meilleure équipe jamais vue dans ce pays leur a imposé le silence pendant plus d’un an. Mais on sent bien que cela ne va pas durer. Dès demain la chasse est ouverte, quelque soit le résultat du match contre Chypre.
Evidemment, si la France se fait éliminer ce soir, cela voudra dire qu'elle aura été incapable de battre Chypre à domicile et l'Equipe sera parfaitement en droit de ressortir son péremptoire titre de novembre 1993 pour les jeunes générations qui l'avait manqué à l'époque.

Mais ce qui compte est la qualification, même au 32e tir au but d'un barrage : les analyses sur les équipes qui méritent ou pas d'aller en Allemagne font sûrement vendre du papier, mais le football se moque plus souvent qu'à son tour des vainqueurs moraux et des performances relatives au cours des éliminatoires.

La France avait ainsi gagné tous ses matchs lors de qualifications pour l'Euro 1992 et 2004, pour complètement passer à côté du tournoi par la suite. Elle avait inquiété beaucoup de monde avec ses victoires lors des matchs amicaux pré-Coupe du Monde 1998, avant l'aventure que l'on sait. Et la qualification pour l'Euro 2000 avait aussi été très juste, même si tout cela a été vite oublié grâce à la victoire finale aux Pays-Bas.

Alors, oui, c'est vrai, la France a fait un match vraiment médiocre samedi dernier à Berne. Mais, comme le soulignait justement un journaliste de RTL hier soir, la prestation des Bleus à Berlin Dublin n'avait pas forcément été beaucoup plus brillante : même incapacité à faire le jeu, même difficulté face au pressing et aux rapides contre-attaques adverses. A bien y regarder, la France a même eu plus d'occasions face à la Suisse que face à l'Irlande. La seule différence est que les Suisses ont réussi à égaliser sur un coup de billard, alors que les Irlandais avaient été moins chanceux.

On peut évidemment aussi cracher sur Domenech, et je ne suis pas le dernier à le faire en regardant les matchs des Bleus. Samedi dernier, j'ai gueulé comme des millions de Français contre un sélectionneur qui n'osait pas sortir un Zidane totalement carbo à une demi-heure de la fin de match. Mais, même quand les choses semblent évidentes, un petit détail aurait pu changer du tout au tout les analyses en apparence les plus raisonnables : il eut suffit que Zuberbühler soit un peu moins impeccable sur le tir de Zizou à la 89e minute pour que toute la presse unanime loue le lendemain un sélectionneur qui a eu le cran de garder sur le terrain un joueur qui, comme face à l'Angleterre en 2004, peut être à la fois diminué et décisif.

Tout ça pour dire "allez les Bleus". En espérant qu'une franche victoire clouera dès ce soir les becs de tous les vautours qui rôdent déjà autour de l'équipe de France. Parce que toute cette campagne médiatique sur la re-dou-ta-ble équipe de Chypre devient vraiment irritante. Pas pour prendre de haut l'adversaire, mais, honnêtement, vous préféreriez être à la place de l'équipe tchèque, ou espagnole, ou suisse ou irlandaise d'ailleurs, ce soir? Moi non plus.

Add. (13/10) : Told you so. Même si la deuxième mi-temps était franchement au-dessus de pas grand chose et que Cissé nous a fait une Guivarc'h. Quatre beaux buts, cela dit, d'autant qu'on a retrouvé par éclairs une équipe qui arrive à construire et un vrai public au SDF.