05 octobre 2005

Comptabilité créative? 

Le nouveau Figaro d'hier avait levé un joli lièvre à propos du projet de loi de finances pour 2006 :
L'État actionnaire compte mettre sous pression les sociétés financières et non financières l'année prochaine pour engranger de confortables dividendes et doper ses recettes non fiscales. Selon nos informations, les évaluations inscrites dans le projet de loi de finances de 2006 tablent sur 3,6 milliards d'euros au titre des dividendes versés par les sociétés financières et non financières, soit deux milliards de plus que les montants inscrits dans la loi de finances de 2005.
L'article du Figaro affirmait ensuite que ces deux milliards supplémentaires proviendraient pour 1,4 milliard des sociétés non-financières dont l'Etat est actionnaire (notamment EDF, GDF et France Télécom) et pour 500 à 600 milliards millions des sociétés financières, en particulier de la Caisse des dépôts.

Le projet de loi de finances rendu public aujourd'hui confirme à peu de choses près ces informations, comme le montre le tableau ci-dessous (chiffres en milliers d'euros extraits du PLF 2005, p 184 et PLF 2006, p 181; le total indiqué est celui de la catégorie "Exploitations industrielles et commerciales...", qui comprend d'autres éléments en plus des trois détaillés ici).

Exploitations industrielles et commerciales et
établissements publics à caractère financier
PLF 2005
PLF 2006Différence
Produit des participations de l'Etat dans
des entreprises financières

604 300
1 149 500+ 545 200
Contribution de la Caisse des dépôts et consignations
représentative de l'impôt sur les sociétés
198 000
215 000+ 17 000
Produits des participations de l'Etat dans des
entreprises non-financières et bénéfices des
établissements publics non-financiers

1 132 100
2 490 200
+ 1 358 100
Total
3 511 600
5 628 900
+ 2 117 300


On peut effectivement se demander, avec Le Figaro, si ces prévisions de recettes ne sont pas un peu optimistes. Surtout dans la mesure où quelques centaines de millions grapillés ici et là peuvent être bien utiles à un gouvernement qui cherche à présenter un déficit pour 2006 exactement au même niveau que celui, révisé à 46,8 milliards d'euros, de 2005.

Remarquons néanmoins que les recettes non-fiscales sont pour l'instant supérieures de 1,2 milliard en exécution par rapport aux prévisions du projet de loi de finances pour 2005 : le chiffre de deux milliards d'écart mis en avant par le Figaro est donc peut-être trompeur, si jamais ces rentrées supplementaires proviennent pour partie du produit des participations de l'Etat. Il faut souhaiter, en tout cas, que les interrogations sur les prévisions de dividendes pour 2006 seront reprises en séance par les parlementaires.

Sur un registre plus anedoctique, l'article d'Anne Royan de lundi contenait aussi une plongée douteuse dans la nomenclature budgétaire que je ne peux pas ne pas mentionner :
Le «grand bleu», qui reprend les évaluations de recettes, et qui sera diffusé demain au Parlement
On parle effectivement de "bleus budgétaires" pour les divers documents que le gouvernement doit obligatoirement distribuer aux parlementaire. Mais le projet de loi de finances en tant que tel a, à ma connaissance au moins, toujours été appelé le "bleu général". Je n'ai jamais rencontré l'expression "grand bleu" pour le désigner, n'en déplaise à Luc Besson.

On remarquera d'ailleurs que Le Monde, qui relayait les informations du Figaro dans son numéro de lundi après-midi, reprenait évidemment aussi la même formulation. Le copier-coller, particulièrement flagrant ici, n'est pas sans danger.

Add. (05/10) : deux leçons à méditer : 1. Les finances publiques intéressent encore moins les foules que la comptabilité nationale ou le droit administratif. 2. L'édition de tableau en HTML est un cauchemar absolu.