13 octobre 2005

Fracture footballistique 

Via Paxatagore qui l'a trouvé chez Eric Dupin, ces propos du président de la FIFA Joseph Blatter, qui nous (re)fait le coup de la fracture footballistique :
Il est tout de même insensé de voir des joueurs "gagner" entre 10 et 12 millions d'euros par an, une somme jusqu'à deux fois supérieure au budget de certains clubs disputant l'Uefa Champions League. De quel droit, en vertu de quelle logique, pour satisfaire quel besoin économique un jeune homme de 25 ans peut-il réclamer un salaire mensuel équivalent à ce que son propre père - et l'immense majorité de ses fans - peut espérer gagner en dix ans ?

Bref, où se situent les limites ? Le moment n'est-il pas venu d'en fixer quelques-unes ?

[...] Le football actuel se réduit à un affrontement entre les nantis et les autres. Notre jeu ne peut pas emprunter ce chemin-là, son avenir en dépend. La Fifa n'a pas l'intention de laisser la cupidité dominer le monde du football.
Dans la mesure où le mandat du président de la FIFA arrive à échéance l'an prochain, on pourrait être tenté de regarder ces fracassantes déclarations comme le simple signe que la campagne électorale pour 2006 est lancée. Après tout, Sepp Blatter a depuis longtemps compris que le système électoral Fifesque, calqué sur le modèle de l'Assemblée générale de l'ONU (un pays, une voix), favorisait les discours démagogiques à l'adresse des petits pays, et les candidats qui les prononcent. Surtout depuis que les enveloppes de billet ne sont plus un moyen totalement sûr d'assurer son élection.

Ceci étant dit, si Blatter s'inquiète réellement du fossé grandissant entre les nantis et les autres, et si les salaires des stars du ballon rond l'empêchent de dormir la nuit, on peut toujours lui suggérer un conseil pour des réformes futures : regarder ce qui se fait du côté du pays du "socialisme réel". C'est-à-dire les Etats-Unis, où les grandes ligues sportives (NBA, MLB, NFL et NHL) présentent nombre de règlements foncièrement anticapitalistes, comme l'avaient fait remarquer The Economist et Daniel Gross : système de plafond salarial, redistribution des revenus ou encore priorité donnée aux plus mauvaises équipes pour le recrutement des meilleurs jeunes talents.

Evidemment, la FIFA n'a quasiment aucune prise sur l'organisation des compétitions nationales et continentales, qui dépendent des fédérations et des confédérations. Mais Blatter pourrait toujours affirmer publiquement qu'il est en faveur du type de mesures utilisées outre-Atlantique. Sa parole porterait d'autant plus que des telles règles pourrait bien entamer l'intérêt du produit phare de la FIFA : on a pu ainsi argumenter, modèle théorique et données empiriques à l'appui, que les inégalités croissantes entre les clubs avait permis de rapprocher les niveaux des équipes nationales. Et donc de rendre les matchs de Coupe du monde d'autant plus intéressants.