11 octobre 2005

Sondages et poudre de Villepinpinpin 

Peut-être que les derniers sondages vont modifier un peu le discours dominant, mais, pour l'instant, les médias semblent avoir gobé le message selon lequel Villepin a réussi à devenir un Premier ministre plutôt populaire, malgré un a priori très négatif de la part de l'opinion en juin. Alors que pas du tout.

Commençons par le fonds de la vérité que contient le discours dominant : contrairement à tous les Premiers ministres depuis 1981, Villepin est aujourd'hui, quatre mois après son arrivée à Matignon, plus populaire que lors de son entrée en fonction. (chiffres TNS Sofres, parce que leur site permet d'avoir des données mensuelles, sur une même question, depuis 1978)



Mais il faut bien comprendre que cette progression est d'abord due au fait que Villepin était extrêmement et même anormalement impopulaire en juin dernier, avec un solde d'opinion (différence entre les opinions positives et négatives) de -10 : ce score désastreux traduisait le fait qu'il faisait face à un scepticisme dans son propre camp, alors que tous les Premiers ministres avant lui avaient pu bénéficier pendant quelques mois d'un "état de grâce" qui leur permettait de rassembler au-delà de leur famille politique (même Edith Cresson obtenait un solde d'opinion de +14 à son entrée en fonction!).

Sans surprise, donc, la thèse du Villepin populaire s'effondre dès lor qu'on compare la cote de confiance des différents Premiers ministres, quatre mois après leur entrée en fonction.



Peut-être que Villepin parviendra, grâce à sa prestance naturelle et son excellente politique, à éviter l'inexorable chute dans les sondages qui a affecté une grosse moitié des Premiers ministres depuis 1981.

Mais, pour l'instant, il a juste réussi à dépasser Edith Cresson pour devenir dixième sur onze au classement de la popularité des chefs de gouvernements de Mitterrand et de Chirac à ce moment-là de leur mandat. A cette aune, Villepin est aujourd'hui un Premier ministre très impopulaire. Quoi qu'on en dise dans les salons et dans les médias.

Add. (12/10) : un (long) mot d'explication pour Koz et tout ceux qui ont du mal à comprendre les graphiques. Le solde d'opinion est la différence entre les opinions positives et les opinions négatives : c'est une mesure plus précise que le simple niveau absolu des opinions positives ou négatif parce qu'elle permet de sortir du calcul ceux des sondés qui "ne se prononcent pas" (sinon, on en viendrait à dire qu'un homme politique qui recueille 40% d'opinions positives et 55% d'opinions négatives est plus populaire qu'une femme politique qui recueille 38% de bonnes et seulement 17% de mauvaises opinions, ce qui est très contestable).

En octobre 2005, selon les chiffres de TNS Sofres, 44% des sondés faisaient ainsi "tout à fait" ou "plutôt" confiance à Villepin pour résoudre les problèmes du pays, contre 49% qui ne lui faisaient "plutôt pas" ou "pas du tout" confiance : son solde d'opinion est donc de 44-49 = -5.

Le second graphique est la simple comparaison de ce solde d'opinion, pour tous les Premiers ministres depuis 1981, au quatrième mois après leur arrivée à Matignon (pour être plus précis, au quatrième mois où TNS Sofres donne un baromètre mensuel pour le nouveau Premier ministre : par exemple, Laurent Fabius a été nommé en juillet 1984, mais le premier sondage "cote de confiance" de la Sofres date de septembre). Pour Villepin, il s'agit du chiffre d'octobre 2005, et son solde d'opinion est, on l'a vu, de -5 à cette date. Pour Fabius, on prend le chiffre de décembre 1984, qui donne un solde d'opinion de 47% d'opinions positives - 37% d'opinions négatives, soit +10.

Le premier graphique est la différence entre le solde d'opinion au quatrième mois et celle au moment de l'entrée à Matignon (soit au premier mois où la Sofres réalise un sondage sur la cote de confiance du nouveau Premier ministre). Prenons une nouvelle fois l'exemple de Laurent Fabius : en septembre 1984, selon le sondage de la Sofres, 53% des sondés lui font confiance pour résoudre les problèmes du pays, contre 26% qui ne lui font pas confiance. Le solde d'opinion à son entrée à Matignon est donc de 53-27=+26. Comme déjà mentionné plus haut, son solde d'opinion en décembre (quatrième mois de sondage) est de +10.

La différence entre les deux soldes permet de voir comment évalue la popularité du Premier ministre au cours de ses premiers mois à Matignon : pour Fabius, on trouve 10-26=-16, signe classique d'un "état de grâce" qui s'évanouie rapidement. Ce qui est le lot de tous les Premiers ministres depuis 1981. Sauf de Villepin.