10 novembre 2005

Sagesse des foules 

Guillemette (qui fête en couleurs le premier anniversaire de son blog, qui court le marathon presque aussi vite que Yannick Noah et dont je dois toujours chroniquer le livre) profitait jeudi dernier d'une comparaison entre le Michelin et le Zagat pour écorcher le prénom du chef de famille Bidochon relever une énième différence transatlantique (oui, c'est un peu son fond de commerce) :
Les Américains me semblent accorder plus de poids à l’autorité des pairs tandis que nous valorisons plus volontiers les experts. Quand des jurys populaires tranchent des grandes affaires, on n’entend jamais ici de critiques remettre en question le fait que des décisions importantes soient prises par des groupes de clampins. Et en campagne électorale, on dézingue volontiers des élites pour valoriser Joe Six-Pack (le Raymond Bidochon américain).
Par une étrange coïncidence, un obscur hobereau se faisait exactement les mêmes réflexions, il y a 200 ans 165 ans, dans le second tome de son récit de voyage outre-Atlantique (pdf, pages 17 et 18) :
Lorsque les conditions sont inégales et les hommes dissemblables, il y a quelques individus très éclairés, très savants, très puissants par leur intelligence, et une multitude très ignorante et fort bornée. Les gens qui vivent dans les temps d'aristocratie sont donc naturellement portés à prendre pour guide de leurs opinions la raison supérieure d'un homme ou d'une classe, tandis qu'ils sont peu disposés à reconnaître l'infaillibilité de la masse.

Le contraire arrive dans les siècles d'égalité.

À mesure que les citoyens deviennent plus égaux et plus semblables, le penchant de chacun à croire aveuglément un certain homme ou une certaine classe diminue. La disposition à en croire la masse augmente, et c'est de plus en plus l'opinion qui mène le monde.

[...] Aux États-Unis, la majorité se charge de fournir aux individus une foule d'opinions toutes faites, et les soulage ainsi de l'obligation de s'en former qui leur soient propres.
Evidemment, c'est beaucoup moins bien écrit que chez Guillemette.