26 décembre 2005

D'Allemagne 

Selon un cliché aussi répandu que pénible, la mondialisation aurait aboli la distance et les frontières. Au moins jusqu'au lancement du TGV Est, un voyage en train vers l'Allemagne prouve qu'il reste encore beaucoup de marge pour que le premier point soit vrai. Quand au second, les particularités culturelles (par rapport à la France, s'entend) d'une ville allemande située à quelques kilomètres de la frontière française suffisent à en démontrer l'innanité.

Après quasiment dix ans sans avoir mis les pieds en Allemagne autrement qu'en transit, je peux en effet confirmer que :
  • Les Allemands continuent de recourir à un mécanisme bizarre, appelé Pfand, par lequel le consommateur s'engage, au nom de considérations environnementales, à prêter de l'argent sans intérêt aux commerçants qui lui vendent ses bouteilles de bière. Les plus de 20 ans racontent qu'ils se souviennent d'un temps où cette pratique était aussi connue en France.
  • Le Mezzo Mix, une sorte de coca à l'orange, est encore distribué par Coca Cola en Allemagne (et seulement en Allemagne et en Autriche). On trouve sans problème du thé au citron en granulés dans les magasins d'alimentation. Les deux sont toujours aussi délicieusement chimiques.
  • Les distributeurs de cigarettes sont toujours là. Les 4x3 pour les cigarettes aussi. Et le législateur allemand n'a pas empêché les distributeurs de proposer des paquets contenant un nombre premier de cigarettes, de façon à ne pas franchir la barre des 4€.
  • Il est encore déconseillé de compter sur sa carte de débit pour payer dans les restaurants ou dans les magasins allemands. Même si le mark n'est plus, le cash reste roi. C'est à se demander si les entreprises ne continuent pas à payer leurs employés en liquide.
  • L'absence d'un Conseil d'Etat vigilant explique l'immanquable présence de boutiques de produits pour adultes en plein coeur du quartier commerçant, au vu de tous les parents qui ont emmené leurs enfants faire le tour du marché de Noël. Et de tous les enfants qui ont accompagné leurs parents. Dans la même veine, et si j'en croie mes sources, les godemichés sont à 4€ dans le distributeur des toilettes des femmes du restaurant tout ce qu'il y a de plus familial où nous avons mangé vendredi dernier.
  • La concurrence des pizzas et des döner n'ont pas encore eu raison de la consommation des saucisses blanches ou rouges, à manger enfilées dans un petit pain rond (Brötchen) ou sous la forme de Currywurst, c'est-à-dire coupées en rondelles, trempées dans une sauce vaguement ketchupée et évidemment relevées de curry. Le résultat est plus digeste que ce à quoi on pourrait s'attendre.
  • La bonne bière (celle-là, par exemple) est à un prix ridiculement bas, aussi bien dans les cafés que dans les magasins. Les blagues à propos de la Bitbürger sont toujours aussi nulles, aussi faciles et aussi irrésistibles.
Malgré ou à cause de tout cela, Sarrebruck est une ville très plaisante, en dépit de l'absence d'une neige que je pensais obligatoire en cette zone climatique à cette époque de l'année. Et pour ceux qui veulent vraiment connaître le fin mot de l'histoire, mon allemand est bien aussi mauvais que je le craignais.

J'ai quand même réussi à retenir quelques informations étonnantes (pour moi, en tout cas) d'une visite au musée historique de la Sarre. Par exemple le fait que la région, alors sous tutelle française depuis 1945, avait envoyé une délégation aux Jeux Olympiques de 1952 à Helsinki et que l'équipe "nationale" avait participé aux éliminatoires de la Coupe du monde de football de 1954. Ou encore qu'il était sérieusement question, dans les années 1950, de faire de la région une zone européenne, qui aurait accueilli le siège des institutions communautaires, un peu sur le modèle de Washington D.C. Le projet supranational a finalement été rejeté par référendum en octobre 1955, avant que la Sarre ne rejoigne la république fédérale d'Allemagne au 1er janvier 1957.