12 décembre 2005

Not just the economy 

Je ne suis pas si loin de partager l'avis de Hugues sur l'affaire Finkielkraut (même s'il faut bien reconnaître que Finkie est une vraie tête de mule, et que ses explications sur France Cul m'ont ôté toute envie de le défendre un tant soit peu), mais cette affirmation me semble pour le moins contestable :
Je reste moi-même convaincu qu’une élimination du chômage remettrait les pendules à l’heure, le caractère religieux des émeutes n’étant étayé par rien. Marxiste d’obédience groucho-libérale, persuadé que la marche du monde est intimement corrélée à l’état de l’économie, je ne saurais donc le suivre sur ce terrain visqueux. Donnez-nous, comme aux Anglais, un taux de chômage à 4%, et vous verrez nos banlieues en crise se métamorphoser en suburbs calmes et prospères. Vous n’y croyez pas ? Essayez pour voir. Je rembourse la différence.
Le problème est que c'est factuellement faux : le Royaume-Uni est loin d'être épargné par les phénomènes émeutiers dans les banlieues. Emeutes qui sont d'ailleurs fréquemment, et peut-être un peu rapidemment, qualifiées de "raciales", y compris par les gardiens du politiquement correct comme la BBC. Par exemple, et je m'étonne un peu de ne pas du tout l'avoir entendu rappelé pendant les émeutes en France, le nord de l'Angleterre avait connu, de mai à juillet 2001, une vague de violence suffisamment importante pour que la BBC se fende d'un logo spécial, et le pays d'un grand débat sur la politique d'intégration.

Au cours des seules émeutes de Bradford, 300 policiers avaient été blessés. En France, le total des blessés parmi les forces de l'ordre était de 126, selon l'AFP. Et les émeutiers ne s'étaient pas privés de mettre le feu à quelques voitures au passage, même si les vandales français conservent sur ce plan un avantage certain, fruit de plusieurs années d'entraînement régulier.

Bien entendu, le taux de chômage britannique était alors à peu près au même niveau à l'époque qu'aujourd'hui (entre 4 et 5%). Mais ce chiffre masquait des inégalités très importantes entre communautés :
There are real issues of economic and social deprivation for Pakistani and Bangladeshi communities. More than 80 per cent of the Pakistani and Bangladeshi community live in households whose income is below the national average; on average, households contain twice as many people as White households; more than half of Pakistan: and Bangladeshi households live in the most deprived 10% of wards in England, compared with only 14% of White households; Pakistani and Bangladeshi men are 2 ½ times more likely to be unemployed than White men and those in work receive only 2/3 of the average earnings of White men.
De façon plus générale, il me semble dangereux de tout miser sur la seule baisse du chômage. C'est un élément primordial, mais qui ne règle pas tout : "l'intégration", pour employer le mot vague à la mode, résulte d'une alchimie complexe, qui va bien au-delà de la seule insertion réussie sur le marché du travail. Il me semble qu'un ancien premier ministre l'avait appris à ses dépens.