18 janvier 2006
Ce n'est pas qu'il ait spécialement besoin de ma modeste publicité, mais la lettre ouverte d'Eolas à Gilles de Robien à propos de ce qu'il est désormais convenu d'appeler l'affaire Garfieldd est à lire, à relire et à encadrer.
J'espère évidemment que le recours gracieux aboutira mais j'aimerais bien avoir l'avis des administrativistes émérites qui peuplent la blogosphère sur la question des chances d'une annulation de la décision ministérielle si le juge administratif est amené à se prononcer.
Mon peu de connaissance du contentieux administratif et un rapide survol de la jurisprudence concernant la matière disciplinaire me laissent à penser que l'existence de la faute est en soi contestable : la qualification de "pornographiques" de certains textes et images du blog de Garfieldd est tout sauf évidente et, même si elle l'était, le fait que le blog porterait atteinte à l'image du service public de l'éducation est douteux. En tout cas si l'on retient une notion des "bonnes moeurs" postérieure à celle qui s'appliquait encore au milieu du siècle dernier. Et même si le juge ne retenait pas ce moyen, la disproportion entre la faute alléguée et la sanction semble tellement flagrante qu'on voit mal comment il ne pourrait pas relever une "erreur manifeste d'appréciation".
Une question subsidiaire, parce que les délais de jugement sont un vrai problème pour un fonctionnaire révoqué : on sait que le référé liberté n'est pas ouvert contre une sanction disciplinaire mais est-ce que le référé suspension pourrait, en l'espèce, avoir des chances raisonnables de succès?
Add. (19/01) : Jules signale un très utile billet de Megathud sur les questions que soulèvent l'affaire au regard du droit de la fonction publique.
Voir également les remarques juridiques de Frédéric Rolin, qui rappelle que la jurisprudence est assez ferme en ce qui concerne l'obligation de moralité des fonctionnaires. J'ajoute à la liste des décisions qu'il cite un arrêt du Conseil d'Etat du 13 juin 1990, qui estime que n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation la révocation d'un fonctionnaire de police qui avait "hébergé chez lui un jeune adolescent, de moins de 16 ans, en fugue, au lieu de le conduire auprès d'un service de police compétent" et qui avait "pour habitude d'entretenir des relations privées avec des individus défavorablement connus de la justice". Le juge considère qu'il s'agit là de fautes professionnelles, la seconde portant atteinte au "bon renom de la police", et qu'une sanction est donc justifiée.
On parle souvent des privilèges des fonctionnaires. On oublie tout aussi souvent qu'elles s'accompagnent d'obligations qui sont beaucoup plus étendues que pour les salariés du secteur privé (les cas où le comportement dans la vie privée justifie un licenciement sont exceptionnels).
Mis en ligne par Emmanuel à 22:41 | Lien permanent |