12 janvier 2006

Sept ans de promesses 

Depuis 1998, la France envoie tous les ans à la Commission européenne un "programme pluriannuel des finances publiques" (plus couramment appelé "programme de stabilité"). Ce programme, et l'avis rendu à son sujet par la Commission, constitue ce qu'il est d'usage d'appeler le "volet préventif" du pacte de stabilité et de croissance : l'idée est que l'engagement écrit du gouvernement sur des normes d'évolution des dépenses et des recettes lui permettra de mieux tenir son budget à l'avenir.

En pratique, les résultats ont été pour le moins mitigés. Les pays "vertueux" ont globalement tenu leurs engagements. Les autres ont systématiquement retenu des hypothèses très optimistes ("volontaristes", dira le communicant) en termes de croissance économique et de progression des dépenses, de façon à afficher un retour à l'équilibre des finances publiques à moyen terme.

Sur ce plan, l'engagement villepinien de réduire le déficit public (c'est-à-dire pour l'ensemble des administrations publiques au sens de Maastricht) à zéro en 2010 n'a absolument rien de nouveau, comme le montrent les objectifs de déficit à moyen terme des différents programmes de stabilité depuis 1998.

Programme de stabilité 1999-2002 (décembre 1998) :
Compte tenu de l’objectif retenu pour les dépenses et des orientations sur les prélèvements, le déficit public serait de 1,2% du PIB en 2002 dans l’hypothèse prudente. Dans l’hypothèse d’une croissance forte, il serait ramené à 0,8%. Cette réduction est nécessaire.
Programme de stabilité 2001-2003 (février 2000)
L’action qui permettra d’inverser en 2000 la tendance à l’alourdissement du poids de la dette publique sera poursuivie d’ici 2003. Le déficit des administrations se réduirait progressivement à l’horizon 2003 : il serait de 0,3 point de PIB avec une croissance de 3%. Il atteindrait ½ point de PIB cette année là dans l’hypothèse où la croissance serait limitée à 2,5% au cours des trois années de la programmation.
Programme de stabilité 2002-2004 (décembre 2000)
La programmation des finances publiques retient l’objectif d’équilibrer les comptes de l’ensemble des administrations en 2004 dans le cadre d’une croissance de 3%. Les administrations retrouveraient ainsi la situation prévalant avant le premier choc pétrolier. L’équilibre des finances publiques redonnera des marges de manœuvre pour la gestion conjoncturelle.
Programme de stabilité 2003-2005 (décembre 2001)
Comme l’an dernier, la programmation des finances publiques vise une situation des comptes de l’ensemble des administrations à l’équilibre ou proche de l’équilibre en 2004, même dans le cadre du scénario prudent d’une croissance de 2,5 %. Dans cette hypothèse, qui impliquera vigilance dans la gestion et détermination dans les choix, la réduction des déficits publics résultera pour l’essentiel d’une amélioration structurelle des finances publiques, en particulier une progression des dépenses plus faible que celle de la croissance potentielle. Dans l’hypothèse d’une croissance durable de 3 %, les finances publiques dégageront un excédent en 2005, après avoir retrouvé l’équilibre en 2004.
Programme de stabilité 2004-2006 - pdf (décembre 2002)
Le déficit public serait ainsi ramené à 1 % du PIB en 2006 dans le scénario à 2,5 % de croissance, et à 0,5 % du PIB dans le scénario à 3 %. Le précédent programme affichait un retour à l’équilibre en 2005, mais partait d’un déficit public 2002 affiché à 1,4 % du PIB contre 2,8 % aujourd’hui. Le report de l’équilibre des finances publiques provient d’un recul du point de départ et non d’un relâchement de l’effort de redressement.
Programme de stabilité 2005-2007 - pdf (décembre 2003)
La maîtrise des dépenses publiques dans le PIB permettra à la France d’assainir
progressivement ses comptes publics. Dès 2005, le déficit public repassera sous le seuil des 3 % de PIB. L’effort prévu sur les années 2003 à 2005 est conséquent : le solde effectif sera réduit de 1,1 points de PIB par rapport à 2003, tandis que le solde structurel s’améliorera de 1,5 points de PIB en trois ans.

Cet effort d’assainissement sera poursuivi dans la durée : le déficit public sera ramené à 1,5 points de PIB en 2007 (0,7 point de PIB dans le scénario de croissance à 3 %). Avec une réduction de plus de 0,5 point de PIB par an sur 2005-2007, le déficit structurel sera ainsi ramené à 0,2 point de PIB en 2007, soit une situation de quasi-équilibre.
Programme de stabilité 2006-2008 - pdf (décembre 2004)
[L]e déficit public se réduirait régulièrement jusqu'à un peu moins de 1 point de PIB en 2008. Corrigé des effets du cycle, la réduction serait de 0,5 point de PIB chaque année et nos comptes publics retrouveraient une situation sous-jacente proche de l'équilibre en fin de période.
Résumons : les six programmes de stabilité publiés depuis 1998 ont tous prévu un déficit public inférieur à 1% à l'horizon n+4 dans le cadre d'un scénario de croissance à 3%. Un programme prévoyait un retour à l'équilibre, un autre annonçait un excédent. Villepin a annoncé mardi un déficit public nul à l'horizon n+5, dans le cadre d'un scénario, d'ailleurs très "volontariste" au vu de la croissance potentielle de l'économie française et de son "output gap" actuel, de croissance à 3%.

A n'examiner que les promesses, la "rupture" annoncée ce matin par Le Figaro est donc tout sauf flagrante. D'autant que Villepin ne sera sans doute pas là pour les tenir, à supposer qu'on les lui rappelle. Pas étonnant que le "bal des sceptiques" soit si populaire.