16 février 2006

Dictature du PIB 

Le pénultième numéro de The Economist contenait un article assez incisif (et en libre accès) sur les limites des comparaisons internationales basées sur le seul PIB par habitant. Comme le note l'anonyme rédacteur de l'article, ce sont bien les trois termes du produit intérieur brut qui posent problème.

La prise en compte du produit intérieur peut d'abord fausser les comparaisons, ce qui est particulièrement évident dans le cas de l'Irlande :
[GDP] measures the value of goods and services produced by the residents of a country. But some of the income earned in Britain, say, is paid to non-residents, while residents receive income from abroad. Adding net income from abroad to GDP gives us gross national income GNI, also known as gross national product), which is more relevant for the prosperity of a nation.

Most countries' rank by GNI per head is similar to that by GDP. One exception is Ireland: its GDP per head is one of the highest in the OECD, but because of large net outflows of investment income, its GNI per head is merely around the OECD average. Its average GNI growth rate over the past decade has also been about one percentage point less than on a GDP basis.
La mesure d'un produit brut est également contestable :
Another flaw is that GDP makes no allowance for the depreciation of the capital stock. Subtracting this from GNI leaves net national income (NNI), which is probably the best national-account measure of welfare. Awkwardly, the numbers are harder to come by, making it difficult to compare across countries and over time.
Et enfin, sujet que j'ai déjà largement évoqué sur ce blog, la focalisation sur la seule production ne permet pas d'évaluer correctement le bien-être d'une population :
A nation's well-being depends on many factors ignored by GDP, such as leisure time, income inequality and the quality of the environment. GDP was developed primarily as a planning tool to guide the huge production effort of the second world war. It was never intended to be the definitive yardstick of economic welfare.

Il se trouve que les méchants ultralibéraux de l'OCDE ont cherché dans un récent rapport à concevoir des indicateurs alternatifs permettant de "redresser" les comparaisons internationales en prenant en compte les inégalités ou le temps de loisir. Ce qui permet à The Economist de nous gratifier du joli graphique qui va bien pour accompagner l'article.

Et voilà! Il suffit de prendre le bon classement et la France se retrouve en tête des pays occidentaux étudiés. Quoique que les résultats de The Economist me semblent un peu suspects : j'ai du mal à comprendre que la prise en compte des inégalités profite beaucoup plus à la France qu'à la Suède, par exemple.

Surtout que le working paper (pdf) qui a apparemment servi de base au chapitre (pour l'instant réservé au gratin) du dernier rapport de l'OCDE semble beaucoup moins flatteur pour la France. Raison de plus pour ne pas crier victoire trop tôt : fonder une politique publique sur la seule maximisation du PIB, quelle qu'en soit ses coûts, est dangereux ; croire que le "modèle" français est satisfaisant en l'état l'est aussi.