08 février 2006

Mais pourquoi la gauche est-elle si populaire? 

L'affaire est entendue : la gauche française est divisée, rétrograde, incapable de faire des propositions constructives. Le Parti socialiste n'assume toujours pas le tournant social-démocrate que les socialistes allemands, anglais ou espagnols ont pris depuis déjà longtemps. Les Verts n'ont jamais vraiment réussi à devenir le parti de gouvernement crédible qu'ont su être leurs homologues allemands. Et la gauche de la gauche, qu'on l'appelle radicale, véritable ou extrême selon les goûts, est au mieux une étrangeté française, au pire une incongruité.

Ah, si seulement la gauche acceptait enfin d'être responsable et de se regrouper autour d'un programme réformiste de centre-gauche, au lieu de s'accrocher aux vieilles lunes de l'anticapitalisme! Sinon, c'est un boulevard qui s'offre à Sarkozy ou à Villepin, voire aux deux, pour 2007.

Tel est, en tout cas, le message d'une immense majorité des commentateurs de la vie politique, y compris ceux qui sévissent dans les lieux influents (et élitistes) de la blogosphère française. C'est même un sentiment que, en bon social-démocrate mou, j'ai tendance à partager au moins un jour sur deux.

On peut quand même se demander s'il ne s'agit pas là d'un énième exemple de cette "pundit's fallacy" jadis théorisée par Matthew Yglesias. C'est-à-dire la croyance dans le fait que les options politiques que l'on défend assureraient une plus grande popularité aux hommes politiques qui auraient le courage de les reprendre. Le problème, en l'espèce, est que cette gauche archaïque et divisée reste beaucoup plus populaire que la droite auprès des Français, comme le montrait le dernier baromètre politique de BVA pour le journal l'Express.



Evidemment, tout cela ne garantit en rien qu'apparaisse un candidat de gauche capable de maximiser ce potentiel de voix. Et il faut bien entendu prendre avec une extrême prudence les enseignements de sondages faits 14 mois avant des élections. Mais ce type de chiffre devrait à tout le moins contribuer à relativiser les discours catastrophistes ou désespérés sur le thème de la gauche "la plus bête du monde".