07 février 2006

National Review, Figaro : même combat 

Ce qui est bien avec les éditoriaux du Figaro, c'est qu'il est possible d'évaluer leur qualité dès le premier paragraphe (alors qu'avec les éditoriaux du Monde, il faut généralement lire jusqu'au bout pour s'apercevoir qu'ils sont médiocres ) :
La France vit depuis plus de vingt ans sur un double scandale : son taux de chômage des 18-25 ans est deux fois plus important que celui du chômage global, calé à près de 10%. Et lorsque le chômage global baisse, le pays est incapable de faire reculer celui des jeunes dans les mêmes proportions.
Je sais que les standards de qualité de la page opinion du Figaro sont assez peu contraignants, mais est-ce que Philippe Reclus n'aurait pas au moins pu aller vérifier les chiffres de l'OCDE et de l'INSEE avant de sortir de pareilles fadaises?

Il aurait d'abord pu constater que la règle selon laquelle le taux de chômage des -25 ans est grosso modo deux fois plus élevé que le taux de chômage global est tout sauf un "scandale français". Le graphique ci-dessous est extrait des Perspectives de l'emploi 2002 de l'OCDE (pdf). Il compare le ratio taux de chômage des moins de 25 ans / taux de chômage des 25-54 ans.



On constate que la situation de la France est tout sauf exceptionnelle : dans tous les pays, le taux des chômage des jeunes est plus important que le taux de chômage des individus de 25 à 54 ans. Et la moyenne du ratio est légèrement supérieure à deux, soit, à peu de choses près, le niveau de la France (et des Etats-Unis, autre pays connu pour la rigidité de son marché du travail).

En allant regarder les chiffres de l'INSEE, l'éditorialiste du Figaro se serait ensuite aperçu que le niveau chômage des jeunes est très fortement lié, en France, au niveau du chômage global. Le graphique ci-dessous permet d'en avoir le coeur net.



Remarquons immédiatement que les deux séries sont très fortement corrélées, comme le montrent tant une paire d'yeux fonctionnelle que la valeur du R2. De surcroît, on constate aisément que l'élasticité-chômage du chômage des moins de 25 ans est supérieure à 1. Dire que la France est "incapable de faire reculer [le chômage] des jeunes dans les mêmes proportions" que le chômage global est donc une contre-vérité pure et simple.

Mais, évidemment, le reconnaître aurait immanquablement conduit Philippe Reclus à devoir admettre que le chômage des jeunes avait très fortement baissé de la fin 1996 (26%) au début 2001 (point bas à 17,6%). Et donc à reconnaître que certaines politiques de l'emploi n'avaient peut-être pas été si impuissantes que cela.