16 mars 2006

Imprévisibles 

La semaine dernière, Olivier Bouba-Olga critiquait le biais optimiste des prévisions du gouvernement en matière de croissance en rappelant les déboires de l'exercice 2005 :
Petite chronologie instructive :
* Fin 2004, pour construire son budget, le gouvernement table sur 2,5% de croissance.
* février 2005 : Thierry Breton révise les prévisions à la baisse : croissance située entre 2 et 2,5%
* mi-août 2005 : il redresse encore, prévision entre 1,5% et 2%
* au final, la croissance aura été de 1,4%...
Il me semble que la critique est ici un peu trop facile. Il est aisé de s'apercevoir, a posteriori, que les prévisions se sont revelées inexactes. Comme les Américains le disent : "hindsight is 20/20". Ce qui compte vraiment est d'évaluer si la prévision du gouvernement était raisonnable, compte tenu des éléments à sa disposition à cette date.

En France, les hypothèses économiques qui servent de base à l'élaboration de la loi de finances sont définitivement arrêtées au plus tard au milieu du mois de septembre. Une façon de déterminer si elles sont effectivement et systématiquement optimistes est de comparer l'hypothèse de croissance du PIB avec le consensus des économistes à ce moment-là.

C'est l'objet du graphique ci-dessous, qui compare le chiffre retenu pour le budget (tel qu'il figure dans le Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances) avec la moyenne des prévisions des analystes interrogés par The Economist au début du mois de septembre de l'année n-1 (voir le dernier exemple en date pour la méthodologie) et avec le chiffre de la croissance effective ex post, calculé par l'INSEE.



Il serait intéressant d'aller chercher les prévisions des économistes pour 1997, 1998 et 1999 (je n'ai pas réussi à les trouver dans les archives électroniques de The Economist) mais la comparaison des chiffres de 2000 à 2006 permet déjà de tirer quelques conclusions.

D'abord, la prévision du gouvernement tend dans la majorité des cas à être très proche de la moyenne de celles des économistes. Si l'on met provisoirement de côté le cas 2006, l'écart le plus important est de 0,3 point.

Ensuite, il arrive, comme en 2003 et 2004, que le gouvernement soit -légèrement- plus pessimiste que les économistes. Cela peut semble absurde si l'on pense que l'exécutif a toujours intérêt à gonfler (dans les limites de l'acceptable) sa prévision de croissance. Mais la prudence a également son intérêt, notamment pour refroidir les ardeurs des ministères qui demandent une augmentation des dépenses.

Enfin, mais ce n'est pas vraiment une surprise, le chiffre effectif de la croissance pour l'année n est fréquemment très éloigné de la prévision des experts en septembre de l'année n-1. Kash Mansori remarquait récemment sur Angry Bear qu'il en était de même dans le cas américain :
[I]t's nice to see that the CBO and White House forecasts both tend to stick very closely to average private-sector forecasts. It's less reassuring to see that all three types of forecasts are not particularly good predictors of actual GDP, however. In fact, the average error of the CBO and Blue Chip forecasts is about 0.97% (note that average GDP growth over the period is about 3.1%). On the other hand, a simple rule of thumb that guesses that next year's GDP growth will be the same as this year's GDP growth would have produced an average error of 0.94% over the same period - virtually identical.
En tout les cas, la prévision "volontariste" de Villepin/Breton pour la LFI 2006 rompt avec une tendance récente qui voulait que le chiffre du gouvernement ne s'écarte pas trop de celui des économistes. Cette divergence sera bien vite oubliée si la croissance annoncée se matérialise. Mais, dans le cas contraire, le gouvernement n'aura absolument aucune excuse. C'est le revers de la médaille de ces quitte ou double que semble affectionner le chef du gouvernement.