11 avril 2006

Humour et politique : la réponse est toujours non 

Versac a raison de me rappeler que j'aurais dû depuis longtemps parler des nominés pour le prix "Press club humour et politique", organisé par vous-savez-qui et que le vulgum pecus connaît généralement sous son ancien nom de "prix de l'humour politique". Il a également mille fois raison de souligner la médiocre qualité de la sélection. La preuve en est que la phrase de Ségolène Royal (""Même quand je ne dis rien, cela fait du bruit") apparaît comme la plus drôle du lot, alors justement qu'elle ne l'est pas du tout.

Pour être tout à fait honnête avec le jury, on notera néanmoins que les 5 pitoyables phrases sélectionnées récemment s'ajoutent à cinq autres, qui avaient été choisies en décembre dernier et qui sont marginalement supérieures :
- "Le pétrole est une ressource inépuisable qui va se faire de plus en plus rare" (Dominique de Villepin, résident à Matignon)

- "Je trouve qu'on a tellement de choses à se mettre dans la tête qu'il est inutile de s'encombrer le cerveau" (Nelly Olin, Ministre de l'écologie)

- "Je ne suis pas l'Arabe qui cache la forêt" (Azouz Begag, invité de "On refait le gouvernement")

- "Mes idées n'ont pas pris une ride" (Arlette Laguiller, retraitée du Crédit Lyonnais)

- "Mettre une taxe sur des billets d'avion qu'on ne paye jamais, c'est un comble pour un président" (Odile Saugues, député PS)
Oui, bon, j'avais écrit "marginalement supérieures". Et uniquement grâce à la proposition de la très anonyme Odile Saugues, qui a au moins le mérite de s'approcher d'un mot d'esprit, même si on peut soutenir qu'elle est assez mal tournée (la proposition). Le reste ne fait que confirmer la lamentable propension du jury à sélectionner des lapsus qui ne sont même pas remarquables (la phrase de Villepin), des formules éculées (Azouz Begag n'a rien inventé) et des copeaux de langue de bois (pour la camarade Arlette). Le plus ridicule étant la sélection de Nelly Olin, pour une phrase que seuls les esprits dépourvus d'un sens de la logique élementaire pourraient trouver contradictoire.

Tout cela est d'autant plus navrant qu'il suffit de lire Le Canard Enchaîné pour savoir que les politiques (certains, au moins) ne manquent pas d'humour. Nous ne sommes peut-être pas au niveau des Italiens (quoique Berlu l'avait bien cherché, sur ce coup là) mais je refuse de croire qu'il soit impossible de faire mieux.

Le jury toujours présidé par Jean Miot a quand même une excuse : leur navrante sélection ne fait que refléter les goûts des Français en matière d'humour politique. L'institut CSA avait ainsi soumis en janvier dernier les cinq phrases mentionnées plus haut (plus cette désopilante saillie d'Henri Emmanuelli : "Si le PS continue à marcher à côté de ses pompes, les gens iront se chausser ailleurs") à un échantillon de 960 personnes quotaïsées comme il se doit. Résultat : la phrase de Villepin est considérée comme la "plus amusante" par 32% des sondés, suivie avec 20% par la remarque d'Emmanuelli.

Autant dire que la phrase couronnée en juin prochain a toutes les chances d'être aussi dépourvue d'humour que celle recompensées l'année dernière. Et que la divine surprise de 2003 n'était que l'exception qui confirmait la règle.